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20e édition de Films Femmes Méditerranée

Actus

Publié le : Mercredi 5 novembre 2025

A l’occasion de la 20e édition du festival Films Femmes Méditerranée, qui a pour vocation première la découverte des œuvres des réalisatrices des deux rives de la Méditerranée, Séances Spéciales s’est entretenu avec Marcelle Callier, présidente, et Valérie Boudoire, coordinatrice de la programmation.


20 ans de festival, c’est une étape importante ! Comment vous décririez l’évolution de Films Femmes Méditerranée depuis sa création ?

Marcelle Callier, présidente : Le festival a commencé par un petit groupe de bénévoles, essentiellement des femmes. C’étaient des professeures à l’époque, certaines travaillaient aussi dans la communication. Mais elles étaient passionnées de cinéma, et avaient aussi ce côté féministe, cette envie de mettre en avant les femmes, les réalisatrices. Et puis la Méditerranée, c’est notre espace commun, surtout ici à Marseille. C’était logique, mais en même temps un peu atypique comme festival. Ça lui a donné sa spécificité et sa valeur.
Au début, c’était tout petit, évidemment : il faut des subventions, des financements, et ça prend du temps. Petit à petit, le festival s’est bâti. En 2016, on a créé une journée professionnelle pour donner leur place aux jeunes réalisatrices, leur permettre de rencontrer des producteurs et productrices, trouver des financements, des conseils… Moi, je suis arrivée il y a un peu plus de deux ans et demi, et j’ai voulu professionnaliser la structure, qui reposait surtout sur les bénévoles. J’ai aussi voulu ouvrir davantage le festival à la jeunesse, aux écoles de cinéma, et à des partenaires du bassin méditerranéen — des deux rives. L’idée, c’était vraiment que le festival prenne plus d’importance, à Marseille bien sûr, mais aussi à l’échelle nationale et internationale. Donc voilà, l’évolution, c’est ça : un nouveau départ plus qu’une arrivée.

Qu’est-ce qui fait sa spécificité dans le paysage des festivals en France, et dans le bassin méditerranéen ?

M.C : C’est le seul festival consacré uniquement aux réalisatrices de la Méditerranée. On fait parfois quelques incursions vers le Portugal, mais globalement, on reste centrées sur cet espace.
C’est notre double spécificité : d’une part, la Méditerranée, et d’autre part, les femmes réalisatrices. Il existe d’autres festivals de films de femmes, mais ils sont ouverts à des réalisateurs hommes, ou à des films venus du monde entier. Nous, on reste ancrées dans notre territoire et dans cet engagement envers les femmes.

Justement, cette dimension féministe, elle implique une part politique. Comment articulez-vous cette dimension politique avec la programmation artistique ?

M.C : Sur le plan politique, le constat dès la création du festival, c’est que les réalisatrices méditerranéennes ont beaucoup de mal à produire leurs films. C’est lié à des raisons politiques, économiques, et aussi à leur statut de femme. Ces trois facteurs réunis font qu’il y a très peu de diffusion à grande échelle de films réalisés par des femmes.

Valérie Boudoire, coordinatrice de la programmation : Pour nous, allier exigence artistique et point de vue politique, ce n’est pas du tout contradictoire. Ces femmes cinéastes ont un regard sur le monde, et ce regard est forcément politique. Ce n’est pas militant au sens agressif, c’est un engagement. Finalement, le festival n’est pas militant, il est engagé. Ce n’est pas “féministe à tout prix”, c’est un engagement auprès des femmes, avec bienveillance et conviction.

Par exemple, le film d’ouverture, Promis le ciel d’Erige Sehiri, est un film politique dans le sens où c’est un portrait de femmes immigrées venues d’Afrique subsaharienne, qui développent des liens de sororité pour survivre en Tunisie. C’est un regard politique sur la société tunisienne : la réalisatrice montre qu’en Tunisie aussi, on peut mal accueillir les étrangers — un miroir de ce que vivent les Tunisiens ailleurs.

On a aussi des films qui portent un regard nouveau sur la masculinité, par exemple The Mountain Won’t Move de Petra Seliška, une œuvre macédonienne sur quatre frères bergers, entre tradition et modernité — là aussi, un portrait touchant de la masculinité.

Ce qui nous intéresse, c’est cette inversion du regard : des femmes qui filment des hommes, mais avec douceur et lucidité, sans agressivité. C’est une autre façon de raconter le monde.

Roikin <3, film collectif réalisé dans le cadre des Ateliers Films Flamme

 

Anna Mouglalis est l’invitée d’honneur de cette année. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M.C : J’ai très vite pensé à Anna Mouglalis pour les 20 ans du festival. J’avais vu son intervention au Sénat sur les violences dans le cinéma, j’ai beaucoup écouté ses interviews…
C’est une femme libre, magnétique, extrêmement gentille et empathique. Quand je l’ai rencontrée à Paris, elle m’a remerciée mille fois de l’inviter ! C’est quelqu’un d’engagé, qui porte haut les valeurs de sororité et de liberté. Elle incarne vraiment tout ce que défend le festival. Elle sera présente pendant plusieurs temps forts.

Avez-vous chacune un ou deux coups de cœur dans la sélection ?

M.C : C’est dur d’en choisir ! Mais j’aime beaucoup le film collectif Roikin <3 réalisé dans le cadre des Ateliers Film Flamme — c’est un vrai film de cinéma, poétique, sur la jeunesse marseillaise.
J’aime aussi beaucoup le focus grec, très riche, et le film de clôture Le Pays d’Arto de Tamara Stepanyan : une œuvre d’une grande finesse sur la mémoire, l’exil et l’Arménie.

V.B : Oui, Le Pays d’Arto m’a beaucoup touchée aussi, notamment parce qu’il évoque en filigrane la guerre du Haut-Karabakh. Et j’ai aussi adoré Rita de Paz Vega, un film espagnol sur les violences faites aux femmes, vu à travers les yeux d’une petite fille. C’est un film plein de justesse et d’émotion, sans jamais rien montrer de frontal.

Cette année, il y a un focus sur le cinéma grec et des journées professionnelles.

M.C : Oui, c’est la première fois qu’on inaugure un “focus pays”. On commence par la Grèce, et l’année prochaine, ce sera le Liban. L’idée, c’est de renforcer encore notre ancrage méditerranéen.

V.B : Côté journées professionnelles, elles existent depuis 2016. On propose une formation au pitch, des rencontres avec des productrices, des ateliers, des visites de studios… Dix réalisatrices venues de France, du Maroc, de Turquie, du Portugal, etc. participent chaque année. Certaines ont ensuite leurs films programmés au festival — c’est un vrai tremplin.

Comment voyez-vous l’avenir du cinéma féminin méditerranéen ?

M.C : Je suis optimiste. Les réalisatrices méditerranéennes ont une énergie incroyable, une force de création malgré le manque de moyens. Au Liban, par exemple, il y a une vraie solidarité entre femmes cinéastes. Mais c’est encore compliqué : les conditions restent inégales selon les pays.

V.B : Oui, mais il y a des initiatives positives : des associations, des coproductions, des réseaux d’entraide. Les femmes s’organisent, elles créent leurs propres structures. Donc oui, on reste optimistes : il y a encore beaucoup à faire, mais il y a surtout beaucoup d’élan.

Crédits photos : Jour2Fête, Ateliers Films Flamme

Entretien réalisé par Lola Antonini

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