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À Nice, le festival In&Out cultive le cinéma queer

Entretien avec...
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Publié le : Mardi 26 avril 2022

2022, année du retour au printemps pour le festival In&Out Nice, qui fête sa 14e édition du 28 avril au 7 mai ! Depuis 14 ans, entre Nice, Cannes et Toulon, In&Out se fait le passeur du cinéma queer. Pour cette nouvelle édition, In&Out explore – en association avec le festival Queer Lisboa – les regards que les cinéastes ont posé sur l’écologie, la durabilité et la coexistence inter-espèces. Une autre passerelle est bâtie vers le Portugal avec une rétrospective consacrée à un couple emblématique du cinéma queer portugais : João Pedro Rodrigues et João Rui Guerra da Mata. Entre courts-métrages, archives des luttes LGBTQIA+, Panorama et séances Replay, nous avons rencontré Benoit Arnulf, directeur artistique du festival, pour plonger avec lui dans cette édition printanière.

Crédits photo : Cite des Arts
─ Cette année, In&Out fête sa 14e édition niçoise, comment cela a commencé ?

C’est la 14e édition à Nice mais In&Out a également essaimé à Cannes – où nous préparons la 11e édition – et à Toulon – où nous en sommes à la 3e. Avant cela, nous avions fait une première tentative de festival qui s’intitulait « D’un genre à l’autre » avant de créer l’association Les Ouvreurs et le festival dans sa forme actuelle.

Notre manifestation aborde une thématique politique qui a besoin de visibilité. C’est ce que nous faisons en multipliant les propositions artistiques, en invitant des artistes qui ont eu des difficultés à se faire une place dans les représentations collectives. C’est notre rôle d’être des prescripteurs, d’attirer l’attention sur des films en les programmant dans notre festival. Et avec le temps, les gens nous font confiance, ils nous connaissent. Ce qui me plaît, c’est de me rendre compte qu’au fil des éditions, on a suivi un certain nombre de cinéastes qu’on accompagne. On a nos artistes et on a envie de les défendre. Je pense par exemple à Sébastien Lifshitz, à João Pedro Rodrigues et son compagnon João Rui Guerra Da Mata – les deux sont invités cette année – ou encore à Paul Vecchiali.

Vous parlez de visibilité. Est-ce que vous avez perçu des changements dans la diffusion du cinéma queer ?

Il y a eu du changement depuis une quinzaine d’années. On le voit dans les sélections des grands festivals internationaux, dans lesquelles nous pouvons de plus en plus piocher. Ce qui est indéniable, c’est qu’il y a une plus grande facilité à programmer des films. Certains distributeurs se sont spécialisés et surtout, je travaille avec l’ensemble des distributeurs qui ont tous, à un moment ou à un autre, un film qui va nous intéresser. Mais il y a encore du chemin à faire, certaines frilosités persistent.  On a eu un exemple récent avec Nos corps sont vos champs de bataille d’Isabelle Solas (2021), qui a eu du mal à trouver sa place en salles. C’est d’ailleurs le producteur Dublin Films lui-même qui a dû le distribuer pour le diffuser.

Pour le public, notre festival est devenu une évidence, ce qui n’était pas le cas au départ. Il n’y avait pas de festival queer à Nice. Les premières années, les gens venaient plus pour participer à un événement que pour voir des films. Avec le temps, ils se sont rendus compte qu’on n’était pas juste une bande d’happy few qui faisaient la fête mais qu’on avait de véritables propositions artistiques à défendre, et que notre festival était un moment politique.

Justement, l’édition de cette année est en résonnance avec l’écologie ?

C’est la question centrale de l’édition de cette année, que l’on aborde notamment à travers la programmation « ÉcoQueerÉcho » coordonnée avec le festival portugais Queer Lisboa, une manifestation amie avec laquelle nous sommes en lien. Tout cela s’inscrit plus largement dans la « Saison France Portugal 2022 » qui est une grande manifestation binationale qui dépasse le cinéma. Nous sommes ravis d’en faire partie, de s’ouvrir à nouveau à l’étranger et d’être parmi les rares propositions de cette Saison sur la diversité sexuelle.

Cette programmation est également en lien avec la rétrospective consacrée à João Pedro Rodrigues ?

Depuis trois ans, on a instauré avec la Cinémathèque de Nice une rétrospective accompagnée d’une masterclass. Après Sébastien Lifshitz et Catherine Corsini, le choix de João Pedro Rodrigues a été une évidence. Cela fait plusieurs fois qu’on l’invite, il incarne une cinéphilie un peu décalée. On ouvre le festival avec sa masterclass, ce qui est une nouveauté pour nous, suivie de la projection de L’Ornithologue (2016) dont la découverte avait été un choc.

Quels sont les autres temps forts de la programmation ?

Cette année, on avait envie de travailler avec l’association niçoise Il était un Truc… avec laquelle nous avons construit une rencontre autour de deux courts métrages : Gonora la grave (Suzanne après l’amour) d’Elsa Aloisio (2021) et Mat et les gravitantes de Pauline Pénichout (2019).

On invite aussi Jean-Sébastien Chauvin, réalisateur et critique de cinéma, dont nous voulions montrer le dernier court métrage, Mars exalté (2022), qui a gagné le Teddy Award au dernier Festival de Berlin. Il nous a construit une programmation de courts-métrages avec des cinéastes qu’on adore : Yann Gonzalez, Frank Beauvais, Barbara Hammer… C’est toujours très exaltant d’accompagner un artiste qui défend des films.

Une autre proposition concerne un des grands combats de la communauté LGBTQIA+ : la création d’espaces mémoriels où des archives peuvent être collectées. C’est un enjeu très fort car on se rend compte que les mémoires sont en train d’être perdues. Or, il est fondamental de récolter la mémoire comme a pu le faire Sébastien Lifshitz avec sa série de portraits de militants dans Les Invisibles (2012). Dans cette thématique, on propose des films qui retracent des vies, comme Ultraviolette et le gang des cracheuses de sang de Claudie & Robin Hunzinger (2021), dans lequel la vie d’une femme lesbienne est reconstituée par ses petites-filles à partir de photos, de lettres, de traces. En plus des films, on a invité des collectifs, des associations qui essayent de créer ces espaces de collecte de la mémoire et réfléchir sur les obstacles auxquels ils sont confrontés.

Autre nouveauté, vous lancez également les séances « Replay » ?

Nous sommes ravis de lancer ces séances ! L’idée est de prendre le temps de revenir sur des sorties récentes qui sont passées inaperçues. C’est un combat contre la tendance actuelle de passer d’un film à l’autre au rythme effréné des sorties. Cela nous inquiète de voir des films qui restent en salle une semaine ou deux puis disparaissent.

Le festival propose aussi une large sélection, le Panorama. Quelles tendances pouvez-vous en dégager cette année ?

Pour être honnête, il n’y en a pas vraiment. Nous sommes très contents d’avoir plusieurs avant-premières. On défend pour la première fois un film d’animation, le documentaire Flee de Jonas Poher Rasmussen (2021) sur le parcours d’un exilé afghan. Un autre documentaire dont nous sommes fiers est Silent Voice de Reka Valerik (2020) qui attire l’attention sur l’homosexualité en Tchétchénie par le portait d’un jeune sportif qui a dû fuir en Belgique. Le panorama est surtout une occasion de respirer, d’aborder l’homosexualité de manière vitaliste, et pas seulement par l’angle de la lutte. On a par exemple Tove de Zaida Bergroth (2020) qui relate la vie de Tove Jansson, dessinatrice des Moomins, ou encore des petites pépites qui sont des films de romance comme La Promesse d’un été de Katie Found (2020) ou encore Le Nageur d’Adam Kalderon (2021). C’est aussi nécessaire pour nous d’aborder la question par le positif.

La programmation complète du festival est à découvrir ici !

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Entretien avec réalisé par Sylvain Bianchi.

Crédits photos : Nos corps sont vos champs de bataille – Dublin Films –  / L’Ornithologue – Epicentre FIlms / Le Nageur – Outplay
Crédits photo top : My Darling – Outplay

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