LA CHIMÈRE

Le 20 janvier 2024 à 09h45
Copyright : Ad Vitam
Copyright : Ad Vitam

Séance présentée et animée par Denise Franzetti, professeure d’italien. Dans le cadre du cinechiacchiere et en partenariat avec l’AFIA.


LA CHIMÈRE de Rohrwacher
Italie| 2023 2h13
Comment réenchanter le monde ?
Quelque part à la croisée de l’héritage de Pasolini et de Fellini, le réalisme magique d’Alice Rohrwacher travaille cette question. Tel Lazzaro dans le film précédent de la réalisatrice, Arthur (Josh O’Connor, toujours incroyablement juste) est à la fois sacré et maudit, car il possède le don de détecter dans le sol les cavités renfermant des objets antiques enfouis. Ce sourcier nervalien a perdu son Eurydice, ici nommée Beniamina, et la quête mercenaire des vestiges étrusques n’est qu’un prétexte pour la retrouver. Le fil d’Ariane déroulé par sa bien-aimée est le fil rouge de ce film rhapsodique, ouvert par une fanfare de Monteverdi. Le récit, désarticulé à l’image du destin d’Arthur, pousse comme une herbe folle parmi des sites à l’abandon, magnifiés par l’image de la fidèle Hélène Louvart. Le chemin sinueux du parcours du protagoniste au prénom rimbaldien, chevalier errant victime de l’amor fati, croise une communauté de femmes où règne une paix joyeuse. L’occupation d’une gare désaffectée est une belle utopie dont il ne sera que le visiteur fugitif, après avoir hanté la vieille maison de maître où ne reste qu’une matriarche désabusée (Isabella Rossellini, impériale), entourée de son chœur de filles vénales et d’une domestique à la voix sublime (Carol Duarte, solaire). Mais le mélancolique héros doit accomplir sa destinée, qui le fait s’acoquiner avec une bande de trafiquants et une ténébreuse marchande d’art (Alba Rohrwacher). À propos d’Il Bidone de Fellini, André Bazin parlait du « tâtonnement des âmes » : la formule convient bien au film d’Alice Rohrwacher et à la trajectoire décousue de son antihéros déboussolé et rêveur, en marche vers une possible rédemption. (J.F. Baillon, Positif)