Situé sur l’emblématique avenue marseillaise, le Canebière Film Festival ouvre une pré-figuration non-compétitive du festival du 19 au 22 septembre 2024 dans les cinémas Les Variétés et l’Artplexe.
Le festival propose de nombreuses avant-premières et rencontres avec les équipes des films dont 2 séances présentées par des techniciens et techniciennes de la Région Sud. En effet, le festival veut donner une place de choix aux membres des équipes techniques, qui viendront raconter le hors-champ du film. Laeticia Dosch ouvrira les festivités jeudi 19 septembre aux Variétés avec son premier long métrage Le Procès du chien. Saïd Hamich Benlarbi viendra quant à lui clôturer cette édition 2024 le 22 septembre à l’Artplexe en présentant en avant-première son prochain film La Mer au loin.
Retour sur notre rencontre avec Emmanuelle Meilhoc, coordinatrice et l’une des programmatrices du festival.
_ Pourriez-vous revenir sur la genèse du projet ? Quels ont été les axes de réflexions ?
À l’origine, il y a ces deux cinémas situés sur la Canebière avec une réflexion commune sur la programmation tout en ayant une ligne éditoriale bien différente pour chacune des salles. Nous voulions créer un événement qui permette de faire communiquer à la fois le public mais également les équipes des cinémas.
Nous nous sommes rendus compte que le public des Variétés qui est très identifié n’a pas forcément de rendez-vous récurrent à Artplexe (ouvert en 2021) et inversement. Évidemment, chacun a ses goûts cinématographiques, mais nous sommes persuadés qu’on peut également ouvrir un peu ses habitudes, en essayant de faire transiter les publics de l’un à l’autre. Quoi de mieux qu’un festival dans lequel il y a une programmation commune et la mobilisation de salles dans les deux cinémas ? On le voit par exemple au Festival Lumière à Lyon, où tout un réseau de salles est inclus dans le festival. On peut voir du patrimoine à l’Institut Lumières ou au Pathé Bellecour. Les « identités » des salles tombent un peu au moment du festival au bénéfice de la programmation. Voilà donc le premier point de réflexion : faire en sorte que le public puisse passer d’un cinéma à l’autre.
Ensuite, il y a un sujet de politique publique. La Canebière a parfois du mal à se réenchanter de certains publics marseillais, il y a encore certaines réticences pour certain.nes à s’y rendre. L’utilisation du mot Canebière est vraiment importante pour nous puisque nous voulons réhabiliter un peu ce quartier de Marseille qui peut paraître non plébiscité par certains. C’est une des avenues les plus connues de France, et nous voulions la célébrer. Cela faisait partie de notre réflexion lorsque nous avons repris la gestion des cinémas, l’Artplexe en octobre/novembre 2023 et Variétés en février 2024.
Nous savons que la Région Sud accueille beaucoup de tournages et donc de professionnels qui vivent ici, et qui sont par ailleurs réunis dans de très belles associations comme l’ARTS1avec laquelle nous travaillons déjà. Donc au-delà de se dire « Marseille est une terre de tournage », nous avons réalisé en faisant le tour des festivals français (hors catégorie A)2 que dans tout ce calendrier il y a peu de représentation des techniciens et techniciennes. Alors pourquoi pas créer un festival dans lequel il y aurait des compétitions, comme il y en a pour les réalisateurs et réalisatrices, comédiens et comédiennes. Ils pourraient obtenir des prix symboliques ou financiers ou des promesses de collaboration avec certains acteurs du marché. C’est quelque chose qui se met en place progressivement, nous ne pouvons pas le faire sur la préfiguration puisque nous n’avons pas encore les assises financières et organisationnelles. L’idée de cette pré-figuration est de lancer cette compétition pour les différents chefs de poste d’un tournage. C’est une façon de les mettre en avant, car on leur donne rarement la parole et de l’espace, notamment à la sortie des films en salles. Les distributeurs et producteurs envoient les réalisateurs et réalisatrices parler car ils ont l’habitude de la médiation avec le public. Mais nous sommes persuadés que la médiation peut être faite avec les techniciens et techniciennes et intéresser différents publics.
Avec une compétition et des prix, le festival pourra attirer et fédérer des techniciens et techniciennes d’ailleurs. Nous pourrons organiser des rencontres professionnelles. Nous travaillons déjà un peu avec la Région Sud sur ces sujets. La transmission du savoir est très importante, nous travaillons avec la Cinéfabrique ou les AIS ou AMU (licences et master de cinéma), nous pensons que c’est dans ce genre d’événement qu’il peut y avoir une transmission entre professionnels et étudiants.
Enfin, nous tenions à organiser également des séances scolaires déjà sur cette pré-figuration, et c’est chose faite, l’école primaire François Moisson aura son mini Canebière Film Festival jeudi 19 et vendredi 20 septembre !
Pour terminer sur le sujet, ce qui nous tient à cœur en tant qu’exploitants, c’est aussi imaginer une nouvelle médiation avec le public et les techniciens, puisqu’ils seraient face à des personnes qu’ils n’ont pas l’habitude de voir. On les fait changer de regard sur le film.
─ Les techniciens de l’A.R.T.S présentent 2 séances2. Comment avez-vous travaillé ? Les avez-vous conviés à venir présenter les films ou avez-vous réfléchi conjointement à ces séances ?
C’est une construction entre Delphine Camolli4 et ses équipes que nous avons rencontrés en mai dernier. Nous leur avons présenté l’idée du festival et ils étaient partants pour collaborer. Pour cette première édition, nous nous sommes dit que nous allions mettre en avant deux films tournés à Marseille avec des économies très différentes. D’une part un film américain à gros budget et d’autre part un film français indépendant. Ils ont proposé une dizaine de films sur lesquels nous avons discuté. Puis nous avons décidé ensemble, notamment Maéva Ngabou qui a beaucoup travaillé avec l’ARTS pour la sélection de ces deux films. C’est important de préciser notre organisation : avec Charlotte Prunier et Alexis Dantec, nous avons lancé l’idée de ce festival. Nous avons aussi fait la programmation avec Maéva Ngabou et Marie Barba qui travaillent au Variétés. Une fois la programmation faite, nous avons mobilisé une partie des équipes des cinémas. Par exemple, Bénédicte Deramaux qui s’occupe de la communication aux Variétés s’est occupée du graphisme. Bernard Cohen, directeur de l’Artplexe a organisé les séances scolaires et la logistique du festival.
─ Si nous continuons à explorer la programmation, pouvez-vous nous parler du choix d’ouvrir le festival avec Le Procès du chien de Laeticia Dosch.
Nous avons choisi Le Procès du Chien de Laeticia Dosch, car c’est son premier film. Elle est déjà metteuse en scène au théâtre notamment sur son seul-en-scène Hate, mais c’est la première fois qu’elle passe derrière la caméra. L’idée qu’une personne puisse changer de postes dans un film (là de comédienne à réalisatrice) nous plaisait. On peut aussi parler de Niki de Céline Sallette dont c’est le premier film également. De plus, nous avons envie d’un événement joyeux, c’est une comédie et nous trouvions que ça correspondait bien au ton du festival. Pour rappel l’Artplexe et les Variétés représentent des lignes éditoriales très éclectiques, et nous souhaitions donc conserver cette largesse éditoriale. Nous trouvions donc que Le Procès du Chien s’adressait plutôt à un public large tout en défendant des sujets précieux tels que la défense animale.
─ Vous clôturez le festival avec La Mer au loin, dont l’acteur se retrouve également sur l’affiche.
C’est un de nos films favoris à Cannes cette année. Nous pensons que ce film est important, surtout dans une période politique très incertaines et réfractaire à la différence. Nous suivons le travail de Saïd Hamich Benlarbi, il est marseillais, le film a été tourné à Marseille donc pour nous ça faisait sens de le prendre en clôture du festival.
1 ARTS : Association Régionale des technicien·ne·s du Sud-est pour le cinéma et l’audiovisuel
2 Les festivals de catégorie 1 sont les festivals majeurs du cinéma dans le monde, d’après le CNC
3 STILLWATER de Tom McCarthy le 19 septembre à 19h à l’Artplexe et BRILLANTES de Sylvie Gautier le 21 septembre à 16h30.
4 Déléguée générale de l’ARTS
La programmation complète du festival est à découvrir ici !
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Entretien réalisé par Naomi Camara.
Crédits photos : Le procès du chien © The Jokers Films
Crédits photo top : La Mer au loin © Barney Production – Tarantula – Mont Fleuri Production