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Entretien avec Gilles Marchand, coscénariste de DOSSIER 137

Actus

Publié le : Mardi 18 novembre 2025

A l’occasion de la sortie du film Dossier 137 de Dominik Moll, le 19 novembre 2025, Séances Spéciales s’est entretenu avec Gilles Marchand, coscénariste du film.


Qu’est-ce qui vous a intéressés, vous et Dominik Moll, dans le travail de l’IGPN, sujet rarement exploré au cinéma ?

Gilles Marchand : C’est un sujet qui intéressait déjà Dominik. Et le succès de La Nuit du 12 lui a permis de contacter des personnes du ministère de l’Intérieur, qui avaient apprécié le film, pour leur demander s’il serait possible de faire une immersion dans les services de l’IGPN à Paris. À sa surprise, c’était oui. Il a donc pu observer leur travail, rencontrer des enquêteurs et des enquêtrices, discuter avec eux. Et très vite, pendant cette immersion, il m’a dit qu’il trouvait ça passionnant. Parce qu’ils sont dans une position délicate : ils ne sont pas très bien considérés par la population — qui les soupçonne d’être trop proches des policiers — ni par les policiers eux-mêmes, qui n’aiment pas toujours qu’on enquête sur eux.

L’IGPN mène des enquêtes sur la corruption et les abus, et là-dessus, d’après ce que Dominik a observé, ils sont très stricts : ils n’ont pas de scrupules à sanctionner des collègues qui ont commis des fautes, comme dans n’importe quelle profession. En revanche, les enquêtes sur le maintien de l’ordre sont plus complexes. Tous les agents de l’IGPN viennent d’autres services : ils connaissent donc ceux qu’ils contrôlent. On ne commence pas sa carrière à l’IGPN. Il y a donc parfois des dilemmes, même s’ils font leur travail. C’est cette contradiction-là que Dominik trouvait intéressante.

C’est ainsi qu’on a inventé le personnage de l’enquêtrice joué par Léa Drucker, en la plaçant dans le contexte des Gilets jaunes. À cette période, il y avait énormément de plaintes contre la police. Elle enquête ici sur une famille qui accuse des policiers d’avoir blessé un des leurs. Le film nous plonge dans sa tête, dans sa manière d’essayer de comprendre ce qui s’est réellement passé, en interrogeant toutes les parties. C’est une manière d’aborder des questions essentielles aujourd’hui : police, justice, démocratie.

Le personnage de Léa Drucker semble confronté à des pressions contradictoires : est-ce une manière de refléter la perception actuelle de la police dans la société ?

G.M : Oui. Avec ce personnage qui essaie d’être honnête et équilibrée, on montre que ce n’est pas simple, parce qu’on vit dans un monde très polarisé. Elle est presque constamment sommée de “choisir son camp” par les uns ou les autres.
Et je crois que beaucoup de citoyens ressentent ça aujourd’hui, pas seulement en France. Cette polarisation nous force à nous positionner. Mais quand on cherche simplement la vérité dans une affaire, et qu’on est immédiatement soupçonné d’être d’un côté ou de l’autre, ça brouille tout. Le personnage ressemble un peu à chacun d’entre nous. On sent son exigence. Et le film ne le détaille pas entièrement, mais elle est à la fois policière et issue d’un milieu semblable à celui de la famille plaignante. Cela crée en elle une tension : elle ne sait plus très bien à quelle part d’elle-même se fier.

Léa Drucker dans DOSSIER 137 de Dominik Moll – Haut et Court

La famille filme beaucoup les manifestations, il y a beaucoup d’images de téléphone. Avez-vous tout reconstitué ?

J. L : On voulait que ce soit très réaliste. On a tous vu énormément d’images des manifestations via les réseaux sociaux, les téléphones, la télé. Ça intéressait Dominik — et moi aussi — d’utiliser ces formats. La mise en scène mélange donc des images reconstituées et des images réelles. Le montage permet de tout rendre cohérent et crédible. L’histoire est inventée, mais elle s’appuie sur des éléments authentiques issus de différentes affaires. Ce n’est pas la reconstitution d’un cas réel, mais une fiction nourrie de faits précis.

Qu’est-ce qui vous a poussé à situer l’histoire pendant le mouvement des Gilets jaunes ?

G.M : En étudiant les dossiers et en rencontrant des plaignants, Dominik a été frappé par ce que le mouvement des Gilets Jaunes révélait de la société. Le mouvement a été interrompu par le Covid, mais les tensions qu’il a mises en lumière existent toujours. Il y a des réponses qui n’ont jamais été apportées. C’est pour ça qu’on a décidé de situer l’histoire précisément à cette période : c’est une partie importante de l’histoire récente.

Ici, contrairement à La Nuit du 12, l’enquête devient plus institutionnelle que personnelle : comment avez-vous abordé cette approche dans l’écriture ?

G.M : C’est vrai, c’est moins fantasmatique que dans un film noir. Traditionnellement, une enquête de police permet de plonger dans la tête du personnage. Là, on est davantage dans un récit sociétal. Mais on voulait quand même du suspense : une quête de vérité, des rebondissements, des obstacles. Dans l’écriture, on est donc moins dans l’imaginaire et beaucoup plus dans la précision. Il fallait être très documenté pour ne pas raconter n’importe quoi. C’était passionnant à écrire, et j’espère que ça l’est aussi à regarder.

Dossier 137 sort en salle le 19 novembre 2025.


Crédits photos : Haut et Court

Entretien réalisé par Lola Antonini

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