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Entretien avec Stephan Zaubitzer, le photographe à la recherche des salles de cinéma

Entretien avec...
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Publié le : Mardi 19 octobre 2021

Après « Alice Guy-Blaché, première cinéaste au monde », la Chapelle des Pénitents Bleus de la Ciotat accueille une exposition consacrée au travail du photographe Stephan Zaubitzer. Depuis une vingtaine d’années, ce dernier parcourt le monde avec une obsession : la salle de cinéma. Ainsi, il nous transporte de pays en pays à la recherche des salles de cinéma qui peuplent les centres-villes du monde entier. Nous avons discuté avec lui de ce projet.

Découvrez jusqu’au 30 octobre l’exposition Cinés Méditerranée à la Chapelle des Pénitents Bleus à La Ciotat. Une partie de son travail est également visible à Marseille à la galerie Fermé le Lundi jusqu’au 23 octobre dans le cadre du festival Photo Marseille 2021.

– Depuis quand menez-vous cette recherche photographique sur les salles de cinéma ?

J’ai fait mes premières photos de salles de cinéma à Ouagadougou en 2003. J’ai photographié les salles plein air de la capitale burkinabè, c’est un patrimoine assez intéressant, assez… sommaire, dans le sens où toutes ces salles sont construites sur le même modèle. Depuis, je me suis passionné pour les salles de cinéma. À partir de 2009, j’ai commencé à travailler à la chambre photographique grand format. C’est une installation plus importante – il faut mettre l’appareil sur pied – qui donne un aspect plus cérémonial à la prise de vue. J’avais dans l’idée de rendre hommage à ces architectures, dont certaines étaient en voie de disparition. J’ai commencé à faire l’inventaire des salles de cinéma de centre-ville dans le monde. Je suis allé en Inde, en Californie, au Brésil…

– Comment choisissez-vous ces pays ?

C’étaient d’abord des destinations cinématographiques, notamment la Californie et l’Inde, Hollywood et Bollywood. Ensuite, je me suis concentré sur la rive Sud de la Méditerranée. Cela me semblait intéressant de photographier ce qu’il y avait de l’autre côté de la doyenne des salles de cinéma, c’est-à-dire l’Eden-Théâtre à La Ciotat, qui fait face à la mer Méditerranée. Cela m’a donné envie de traverser et d’aller voir de l’autre côté.

– La salle de cinéma est un lieu universel, dont le principe reste le même partout : une façade, une salle, des fauteuils, un écran. Comment avez-vous envisagé votre travail ? Que vouliez-vous mettre en évidence ?

La salle de cinéma est en effet toujours construite sur le même principe. Ce qui est intéressant, c’est de voir que selon la mode des pays, selon l’époque, les architectes se donnent tous les moyens pour rendre la salle attrayante dès le trottoir, puisqu’il faut qu’elle attire le passant, qui est appelé à devenir un spectateur. Il y a eu une floraison de propositions architecturales. Tous les dix ans, la mode changeait, une fois c’était la mode égyptienne, puis c’était la mode des salles un peu plus baroques, gothiques… C’étaient vraiment des lieux d’expérimentation architecturale.

– Justement, ces salles de cinéma, est-ce qu’elles enrichissaient votre connaissance des pays que vous traversiez ?

Quand je fais des photos, je suis dans le principe de l’accumulation et de la série. C’est plutôt une fois de retour en France que je regarde mes images, et c’est à ce moment-là que je peux voir une sorte d’originalité. Il s’agit toujours des mêmes endroits, mais il y a quand même une richesse étonnante, surtout au niveau de la salle de cinéma de centre-ville. Il y avait aussi bien de grands paquebots, de grandes salles, mais aussi des toutes petites, donc il y avait une diversité totalement étonnante, quand même, dans ces constructions.

– Comment choisissiez-vous ces salles ? Vous étiez guidé ?

Dans tous les pays, il y a des gens qui ont connaissance du patrimoine et qui ont envie de pousser à la conservation, qui essaient de sensibiliser le public. Dans n’importe quel pays, on trouve toujours des alliés pour savoir où se situent les salles – même si elles ne sont plus en fonctionnement. Ce qui est assez étonnant, notamment dans les pays du Sud de la Méditerranée, c’est qu’il arrivait parfois que dans les nouveaux quartiers, la salle se construise avant les habitations. Donc même si la salle a disparu, le quartier conserve le nom de la salle de cinéma. Après, il y a le phénomène des gares. Quand il y avait une ligne de chemin de fer, on construisait une salle de cinéma juste à côté de chaque gare. J’ai vu ça au Brésil par exemple.

– Vous parlez des salles comme d’un patrimoine à conserver. Aujourd’hui, vous sentez que ces salles sont en danger ?

Évidemment, elles sont en danger. Elles ne peuvent pas toutes survivre. Il y en a beaucoup que j’ai photographiées qui sont fermées. Pour moi, la mission de la photo est d’essayer de lutter un tant soit peu contre la destruction des choses. Je fais ce travail pour garder une mémoire. Ceci dit, j’ai remarqué une différence entre la France et la rive Sud de la Méditerranée. En France, les salles de cinéma qui ferment sont détruites ou transformées en supermarchés ou une autre activité beaucoup plus lucrative. Tandis que dans les pays de la rive Sud, même s’ils sont abandonnés, les bâtiments restent, sont laissés comme ça, en friche.

– Avez-vous pu retrouver dans les différents pays les mêmes mutations des salles de cinéma qu’on observe ici ? C’est-à-dire des salles qui ne se voient plus que comme des salles de cinéma, mais aussi comme des salles de restaurant, halls, bars, librairies…

Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter de projeter un film, comme dans les années 1950, et d’encaisser l’argent du spectateur. Aujourd’hui, faire vivre un lieu, c’est beaucoup plus compliqué, il faut apporter du collectif. Mais il y a énormément de concurrence.

– Dans les salles que vous avez photographiées, on repère également un ancrage au sein d’un quartier, à l’inverse par exemple de nombreux multiplexes…

Bien sûr. Et l’ancrage dans le quartier, avec les multiplexes, on a en effet un peu de mal à le sentir. Après, je pense que les multiplexes sont aussi une mode. Il y a eu aussi une tendance, comme ça, de les construire dans les centres commerciaux. Aujourd’hui, les derniers multiplexes doivent faire des efforts. Les choses ne sont jamais figées. Je pense à par exemple à Artplexe, qui va ouvrir sur la Canebière. Ils ont sept salles, c’est presque un multiplexe, mais en même temps ils ont un resto, un lieu d’exposition… Je ne sais pas à quoi ça va ressembler, mais en tout cas, on sent que même le multiplexe est obligé de changer, d’évoluer.

L'Alcazar, Tanger © Stephan Zaubitzer, Cinés-Méditerranée
L'Algéria, Alger © Stephan Zaubitzer, Cinés-Méditerranée
Le Palace, Tunis © Stephan Zaubitzer, Cinés-Méditerranée
Liban © Stephan Zaubitzer, Cinés-Méditerranée

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Entretien réalisé par Sylvain Bianchi.

Crédits photo top : Rio, Alexandrie © Stephan Zaubitzer, Cinés-Méditerranée

Sur le tournage du film “Le Fil” de Daniel Auteuil

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