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Entretien avec Thierry Aflalou, producteur de Mastemah

Entretien avec...
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Publié le : Jeudi 15 avril 2021

Sur le tournage de Mastemah, film horrifique réalisé par Didier D. Daarwin et tourné entre Marseille et l’Aubrac, nous avons rencontré Thierry Aflalou, producteur du film via sa société Comic Strip Production qui fêtera ses 30 ans l’année prochaine.  Présent tous les jours sur le tournage auprès de ses équipes, il suit attentivement ce projet issu d’un premier jet qu’il a lui-même écrit il y a une dizaine d’années. Producteur installé à Marseille, il est revenu avec nous sur son travail, ses projets en cours et sa vision du film de genre…
Comment a débuté l’histoire de Comic Strip Productions ?

J’ai créé Comic Strip en 1992 pour aider un ami qui voulait réaliser un court-métrage. A l’époque, j’étais étudiant à Aix-en-Provence, dans une faculté de communication option cinéma puisqu’il n’y avait pas encore de faculté de cinéma.

Pendant dix ans, je n’ai fait que du court-métrage. Puis au début des années 2000, je me suis mis à produire du documentaire, ce que je fais toujours. En 2003, par un concours de circonstances, j’ai produit mon premier téléfilm, Malaterra, réalisé par Philippe Carrese (écrivain, scénariste, réalisateur marseillais dont tous les films ont été produits par Comic Strip). Ce film produit dans des conditions folles a eu un succès impensable : trois prix au Festival de Saint-Tropez, l’équivalent du Festival de Cannes pour la télévision, alors qu’il a été produit avec le quart du budget d’un film normal. Cette aventure m’a donné envie de continuer la production de longs-métrages.  Aujourd’hui, j’ai produit une dizaine de longs-métrages – documentaires et fictions – et plus de 120 documentaires pour la télévision. Je suis un des rares producteurs délégués de la région.

Comment est-ce que vous choisissez un projet ? Qu’est-ce qui vous décide à vous investir complètement ?

Heureusement, je n’ai pas de réponse. C’est comme choisir une compagne ou un compagnon : il n’y a pas de critères. Le jour où on choisit des critères, c’est qu’on travaille dans une téléréalité. Après, j’ai des goûts personnels et comme je suis le seul producteur de la boîte, je décide ce que je produis selon mes propres goûts, qui se précisent avec l’âge.

Dans ce cas, autour de quels axes s’articulent vos goûts et vos productions ?

En documentaire, par exemple, il y a vraiment deux axes qui se dessinent, avec quelques fois des exceptions heureusement.

Ce sont d’abord des films qui interrogent la société, qui grattent là où ça fait mal. Notre dernier gros succès documentaire par exemple est un film sur la pédophilie : Le Sous-sol de nos démons (2021) de Fanny Fontan, soutenu par la Région Sud. J’aime ces documentaires qui interpellent, qui sont comme le caillou dans la chaussure de notre société.

L’autre axe est celui des portraits d’artistes, souvent chanteurs ou comédiens. Là, par exemple, je vais faire un documentaire sur Marie Trintignant, non pas Marie Trintignant comme victime mais comme la femme qui a eu une carrière incroyable. Le film aura la chance d’être conté par Jean Louis Trintignant, son père. Nous avons également fait un très beau film sur l’histoire de la création des Cahiers du Cinéma, qui sera diffusé le mois prochain.

Pour les films de fiction, j’ai les mêmes tendances. Actuellement, nous développons un film très politique, qui raconte quelque chose qui peut sembler appartenir au passé mais qui existe au présent : l’exploitation voire l’esclavagisme des travailleurs saisonniers étrangers, en majorité marocains, dans la plaine de la Crau. Nous sommes tous fiers d’acheter des brugnons au bord de la route, à deux euros la cagette, en disant « Regardez c’est super, c’est fait en France ! », mais ce prix-là n’existe que par l’exploitation de travailleurs. C’est le prolongement de Boomerang (2017), un court métrage que l’on a fait avec David Bouttin. On espère tourner en 2022.

Aujourd’hui, vous achevez le tournage de Mastemah, un film d’horreur, entre le thriller horrifique et le film psychologique. Comment ce projet s’est-il développé ?

J’ai écrit il y a presque dix ans quelque chose qui ressemblait à un long synopsis de Mastemah. J’étais convaincu qu’il y avait un film à faire, proche du thriller horrifique. Je ne sais pas comment le définir précisément, mais c’est indéniablement un film de genre.

J’ai tout de suite pensé à Didier Daarwin pour le réaliser. Je le connais depuis vingt ans et en écrivant je savais que cela pouvait l’intéresser car il est aussi fan de ce genre de films. Nous avions fait ensemble il y a dix ans de cela Conte de la Frustration (2010), un film pour France 2, soutenu par la Région Sud et co-réalisé par Akhenaton.

Je ne voulais pas que Mastemah soit un simple film de genre. Pour cela, j’ai choisi une scénariste émérite, Johanne Rigoulot, qui n’aime pas du tout le genre. Elle a nourri les personnages d’autres choses que de l’horreur, d’enjeux forts, de drame humain. Le film joue en grande partie sur une ambiguïté entre la schizophrénie et la possession. On a développé ce scénario pendant quatre ans.

Il a ensuite fallu trouver les acteurs et notamment l’héroïne. Cela a été très compliqué car beaucoup de jeunes actrices talentueuses ont peur de prendre des risques, mais Camille Razat a osé le faire. Elle est phénoménale, à l’écran dans chaque séquence, elle porte le film sur ses épaules. Pour l’acteur, parce que le film fonctionne sur un duo, j’ai envoyé le scénario à l’agent d’Olivier Barthélémy (Notre jour viendra (2010), Sheitan (2006)) qui a aimé tout de suite et a rejoint l’aventure depuis trois ans.

Vous vous êtes donc confronté à la production d’un film de genre. Comment est-ce que vous percevez l’évolution du film de genre dans le cinéma français, notamment en termes de légitimité ?

Je refuse de me poser la question de la légitimité. Personne ne va nous dire ce qu’on a le droit de faire ou non. Pendant très longtemps, le cinéma français de genre n’était pas en grande forme mais aujourd’hui, il y a des films de genre qui sont sortis et d’autres qui sont en attente d’être montrés. Je pense notamment au film Le Calendrier de Patrick Ridremont, qui était prévu pour décembre et va devoir être décalé à l’hiver prochain parce que l’intrigue est en lien avec le calendrier de l’Avent. Il sort chez Alba Films, qui est notre distributeur pour Mastemah.

C’est un distributeur qui connaît bien le film de genre, qui avait déjà sorti deux films de genre français et un américain à petit budget qui a fait un carton. Je voulais travailler avec quelqu’un avec qui je partage le même vocabulaire, la même langue.

Dans tous les cas, je refuse de me poser la question de la légitimité. C’est une question que les français se sont posés pendant longtemps et qui a provoqué une certaine paralysie. Il existe encore une certaine frilosité à faire un film de genre en français, avec des acteurs français, mais il suffit de regarder le plus gros succès international des dernières années : Rec (2007), un film espagnol en langue catalane. En France, il a fait presque 800 000 entrées !

Quelles étaient vos inspirations cinématographiques pour ce film ?

Bien que Mastemah soit un film de possession, les références cinématographiques ne se situaient pas de côté-là. Didier et moi aimons beaucoup Take Shelter (2011) de Jeff Nichols, qui est un film incroyable. Et pour ce qui est de l’horreur, un film qui nous a influencé est It Follows (2014) de David Robert Mitchell. Ce sont deux grands films qui nous ont bercés pendant le développement.

Mastmemah entre à présent en post-production, sans date de sortie pour le moment. La fermeture des salles empêche la sortie de votre film précédent, Azuro. La crise sanitaire vous a-t-elle obligée à repenser votre activité ? Par exemple, à songer à développer des sorties sur des plateformes ?

L’impact principal de la crise sanitaire est en effet sur le film que nous avons tourné précédemment dans la région, Azuro de Mathieu Rozé, adapté d’un roman de Marguerite Duras. C’est un film aujourd’hui fini que l’on ne peut pas sortir. Alors on attend la réouverture des salles. Je pense que les plateformes ne seraient pas intéressées. C’est un film tourné en pellicule, en format scope, fait pour la salle de cinéma. Ce serait dommage de le sortir ailleurs. Le problème, c’est que plus on attend, plus ça nous coûte de l’argent.

Pour Mastemah, c’est un peu différent. La post-production sera achevée début décembre. On peut espérer que les choses seront plus ou moins réglées d’ici là et que l’on pourra sortir le film en février 2022. C’est ce qu’on prévoit avec le distributeur mais on a évidemment pas du tout la main là-dessus.

Décor sur le tournage de Mastemah. Crédits photo : Sylvain Bianchi
L'équipe du film en action. Crédits photo : Sylvain Bianchi
Château Berger, Marseille. Crédits photo : Sylvain Bianchi

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Entretien réalisé par Sylvain Bianchi.

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