Publié le : Mardi 16 avril 2019

Le 13 décembre dernier, l’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence consacrait une journée à Dario Argento, maître italien du fantastique et de l’horreur.

Au programme, trois films (Suspiria, Profond Rosso et Ténèbres), une rencontre avec les spectateurs venus en nombre et une séance dédicace de son autobiographie Peur, éditée en France par Rouge Profond.

Nous avons rencontré Guy Astic, directeur de cette maison d’édition consacrée au cinéma et installée dans le sud de la France, afin d’évoquer le cinéma du maitre italien…

Le nom de votre maison d’édition, « Rouge Profond », est une référence évidente au film de Dario Argento Profondo Rosso (sorti en France sous le nom : Les Frissons de l’angoisse).

Ce nom de Rouge Profond vient au départ de Jean-Baptiste Thoret, critique de cinéma avec lequel j’avais monté une revue, Simulacres, avant de me lancer dans l’aventure Rouge Profond. Et il a eu raison, c’est un nom qui sonne bien même si, quand on a lancé le site, ça renvoyait exclusivement vers des sites pornographiques ! Le nom nous est venu d’Argento et avec ce livre on lui rend hommage : la boucle est bouclée ! C’est Denis Mellier, professeur à l’université de Poitiers, qui a eu l’idée de monter un colloque autour d’Argento et de traduire son autobiographie Paura (traduite par Bianca Paulino). J’ai aussi acheté les droits de son recueil de nouvelles Horror que je vais publier en juin. Et en juillet, il sera l’invité de festival de La Rochelle pour une grande rétrospective.

Comment avez-vous connu son cinéma ?

Je l’ai découvert beaucoup plus tardivement que Jean-Baptiste Thoret. Je viens de la littérature au départ et je me suis plongé dans le cinéma beaucoup plus tard. J’avais été impressionné par Phenomena dans les années 80, un film que j’aime beaucoup bien qu’on le considère comme le film qui l’a fait basculer de l’autre côté, dans des films moins bons, la musique n’est plus faite par les Goblin. Les fans d’Argento « purs et durs » aiment beaucoup plus celui ses films des années 70 .

A ce titre, la carrière d’Argento semble scindée en deux, une première période devenue culte, suivie par des films beaucoup plus discutés et parfois même rejetés.

Ses plus récents sont boudés à juste titre car ils sont moins bons. Mais c’était un formaliste extraordinaire dans les années 70’ qui a permis de faire rentrer le cinéma dans une exploration artistique majeure avec Suspiria ou Ténèbres, avec beaucoup de violence parfois. Et aujourd’hui il réunit le public, on a rempli toutes les salles au Forum des Images de Paris, et on voit autant les nouvelles et que les anciennes générations lors des séances. Argento est devenu un classique pour les nouvelles générations, un repère qui a imposé une nouvelle grammaire visuelle. Comme il le dit lui-même, il n’a jamais voulu faire une hiérarchie du goût en enchaînant le plan le plus subtil qui soit avec le plus vulgaire qui soit. Il cherche et il ose ce mélange. C’est ce qu’a complètement raté Luca Guadagnino avec son remake de Suspiria avec une séquence finale d’un grotesque, au mauvais sens du terme ! Argento qui l’a vu, reste très diplomate, mais il m’a confié avoir détesté ce film !

Vous avez évoqué les Goblin, dont les BO pour Dario Argento sont presque devenues aussi cultes que les films. Comment expliquez-vous l’importance de la place de la musique dans la filmographie d’Argento ?

C’est essentiel dans ses films, il a toujours cherché du côté de la musique car il se méfie comme beaucoup de grands cinéastes du verbe, du logos et de la raison. Pour lui, comme son cinéma arrive du rêve, la logique du rêve passe par la musique. C’est un autre langage.

L’architecture est également un élément majeur dans son travail…

Dario Argento admirait Antonioni qu’il qualifie du « plus grand architecte de cinéma ». Il ne peut pas concevoir ses intrigues, notamment dans ses premiers films, sans ce rapport à la ville. Il y a eu Rome et le quartier mussolinien de l’EUR dans Ténèbres, Turin et la magie noire dans Les Frissons de l’angoisse. La place de l’architecture est essentielle, il fait respirer les maisons… Dans Suspiria, l’histoire est censée se passer à Fribourg mais la scène finale a eu lieu sur la place de la Marienplatz de Munich là où Hitler a fait ses discours. L’idée pour lui est que le mal persiste et que les sorcières, les démons, au-delà de leur dimension surnaturelle, sont dépositaires d’un mal qui vient de notre Histoire. Ce qu’a encore une fois raté Guadagnino, en le soulignant beaucoup trop là où Argento le glissait subtilement au spectateur.

Aujourd’hui, vous voyez des héritiers du cinéma de Dario Argento ?

En France, je pense à Pascal Laugier – qui le revendique d’ailleurs -, à Yann Gonzales avec Un Couteau dans le cœur, à Bertrand Mandico… Il y a aussi le couple Hélène Cattet et Bruno Forzani, avec Amer et L’Etrange couleur des larmes de ton corps. Ou encore Xavier Gens en France. Guillermo del Toro aussi avoue être un grand fan, quand je suis allé sur le tournage de Crimson Peak, il me montrait ses décors en prenant Mario Bava et Argento en référence, notamment pour le travail sur la couleur. Mon rêve est de les faire dialoguer tous les deux, on espère y arriver un beau jour !

Entretien réalisé par Sylvain Bianchi. Merci à l’Institut de l’Image !

Crédits photos : Sylvain Bianchi / Photo top : Tenebre, Dario Argento, 1982

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