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“Jacky Caillou” : entretien avec Lucas Delangle

Entretien avec...
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Publié le : Mercredi 9 novembre 2022

En salles depuis le 2 novembre, Jacky Caillou est le premier long-métrage de Lucas Delangle. Dans un village, haut dans les Alpes Jacky (Thomas Parigi) vit avec sa grand-mère magnétiseuse (Edwige Blondiau). Alors qu’elle commence à lui transmettre son don, Elsa (Lou Lampros) cherche à consulter pour une mystérieuse tache qui se propage sur son dos.

Retour sur notre rencontre avec Lucas Delangle lors du dernier Festival de Cannes, durant lequel Jacky Caillou fut présenté en avant-première lors l’ACID 2022.

─ Jacky Caillou est votre premier film. Pouvez-vous revenir sur ce qui vous a amené à ce film ?

Lucas Delangle (L.D.) : Je suis sorti de la Femis en 2012. J’ai travaillé sur les films des autres, notamment comme assistant-réalisateur avec Claire Simon, mais aussi d’un court métrage d’Olivier Strauss, qui est par la suite devenu co-scénariste de Jacky Caillou. Dans le même temps, j’ai développé un projet documentaire, Du Rouge au front (2015), sur un jeune homme dans le Nord qui joue à l’airsoft. J’étais intéressé par la relation entre Nicolas, le personnage principal et sa mère, Edwige Blondiau, une relation à ce moment-là assez conflictuelle. Olivier Strauss a monté ce film. J’ai eu envie d’écrire une fiction et assez rapidement cela m’a semblé évident d’écrire avec Olivier.
À ce moment-là, je voyageais un peu, j’avais vécu dans les Corbières, je commençais à écrire des histoires sur le magnétisme, j’avais rencontré des magnétiseurs. Les premières idées de Jacky Caillou étaient là : un paysage de montagne, un village isolé, des personnages regardés comme des êtres mystiques.

─ Edwige Blondieau interprète d’ailleurs dans Jacky Caillou la grand-mère magnétiseuse du personnage. Elle a accepté facilement de vous suivre dans ce projet ?

L.D. J’ai appris récemment qu’elle était un peu apeurée à l’idée d’accepter et que son fils avait été important pour apaiser ses craintes. Au départ, je lui ai proposé des choses simples. On a commencé par la scène où elle prend un arbre dans ses bras pour se purger, je lui ai proposé de filmer et elle l’a fait de manière très naturelle, très belle. Elle a réussi à ramener dans le rôle quelque chose de très fort sur la spiritualité, c’est quelqu’un de très croyant.

En parlant de spiritualité, comment est venue votre fascination pour le magnétisme ?
L.D. En fait, je viens d’un petit village de la Sarthe. Mon père était en quelque sorte le médecin généraliste du village. Il connaissait les magnétiseurs du coin qui étaient comme des espèces de miroirs de ce que lui était, mais du côté de la croyance là où mon père est très rationnel. Il pense que ce sont plutôt des charlatans ! Moi, ça me fascinait dans ce petit village de penser qu’il pouvait y avoir des gens qui faisaient des miracles.
J’ai rencontré beaucoup de magnétiseurs pour faire le film, tous très différents : des gens dans la surenchère de leurs exploits, d’autres davantage “new age” avec des tendances orientales, indiennes. Ce qui m’a semblé le plus beau c’est quand j’ai rencontré des magnétiseurs qui croyaient en Dieu. C’est souvent ceux qui avaient la plus belle explication de leur activité : ils ne se l’expliquaient pas… Ils disaient : « Ça vient de moi, d’en haut et je ne peux pas dire ce qu’il se passe ». Et c’est souvent des gens qui refusaient de se faire payer pour leur service.
Jacky Caillou est aussi un film sur la transmission. Pour ce qui vous concerne, qui ont été vos passeurs en cinéma ?

L.D. C’est une question difficile car j’ai bien sûr des maitres en cinéma, des gens qui ont fait des films auxquels je repense régulièrement. Mais une des choses que j’ai apprises, c’est qu’il est impossible de faire les films des autres. Je ne reconnais donc pas du tout l’influence des cinéastes que j’admire sur ce que j’essaye de faire. Ce sont plutôt les autres qui me disent quelles inspirations ils perçoivent dans mon travail, et c’est intéressant, mais je n’y pense pas forcément en fabriquant.

2-JACKY-CAILLOU-Elsa
─ Vous avez coécrit le scénario avec Olivier Strauss. Quelle a été votre méthode pour écrire à quatre mains ?

L.D. J’avais d’abord écrit des premiers textes, des scènes matrices de ce qu’allait être le film : la mort de la grand-mère, la découverte par Jacky de ses dons. Pour ces scènes pivots, j’avais écrit jusqu’aux dialogues. Ensuite pour développer l’histoire, j’étais un peu hésitant et c’est là qu’on a commencé à travailler, en rassemblant nos idées, nos envies de cinéma. Cela nous a permis de nous connaitre davantage et de creuser un peu le film. Puis l’écriture a été une plongée dans chaque scène, un envoi de différentes versions qui se modifiaient au fil des annotations. Le scénario a fait ainsi l’accordéon, se rétrécissant puis se regonflant au fil de nos corrections jusqu’à atteindre un document qui tienne la route qu’il a fallu ensuite travailler et développer. Mais une fois que tout est posé dans le scénario, le développement est assez facile.

─ Comment s’est passé le tournage ? L’approche des lieux, des habitants, qui pour beaucoup figurent dans le film ?

L.D. On a tourné dans des villages proches de Saint-André-les-Alpes, au-dessus des Gorges du Verdon. Juste après le confinement, j’avais de quoi fabriquer le film et j’ai donc beaucoup voyagé dans la région en voiture. Le village d’Allons en particulier m’a plu tout de suite, j’ai passé mon temps à parler aux gens. On a donc commencé à faire des rencontres, à essayer de caster des gens. La recherche de la maison pour le décor était d’ailleurs une bonne approche pour rencontrer les habitants. Les gens étaient tous d’une extrême gentillesse.

─ Comment s’est passée la rencontre avec Thomas Parigi et Lou Lampros, qui constituent le couple principal du film ?

L.D. J’ai rencontré Thomas Parigi à Marseille. J’avais rencontré beaucoup de comédiens pour incarner le personnage de Jacky et j’étais un peu dépité de ne pas avoir trouvé la bonne personne. Un soir, je suis allé voir un concert et je trouvais que le musicien avait des similitudes avec mon personnage. Je vais donc le voir et je le félicite, et il me répond qu’il a raté sa performance, qu’il s’est embrouillé. Ce côté un peu obsessionnel, c’était tout à fait le personnage ! Après quelques essais, ça a fonctionné.
Pour Lou Lampros, c’était différent. Elle est comédienne, très intense, brûlante. On sent que quand elle joue, elle joue sa vie ! Il y a eu dès notre rencontre une forme d’évidence.

─ Le son est fondamental dans votre film. Le personnage est musicien, il capte des sons pour réaliser sa musique. Comment avez-vous travaillé cela ?

L.D. Il y a évidemment quelque chose qui vient du scénario car le personnage est musicien. Je voulais qu’il fasse de la musique avec des sons qu’il enregistre lui-même, qu’il fabrique une musique concrète, avec des sons fragiles, dérisoires comme des grincements d’escaliers. Ensuite, l’autre intérêt vient du magnétisme. C’est une pratique sur les ondes qui se propagent d’un corps à l’autre. Pour rendre ça à l’écran, je ne voulais pas trop d’effets spéciaux, je voulais des éléments réalistes et le son est un très bon outil pour ça.

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Entretien réalisé par Sylvain Bianchi.

Crédits photos top et article : © Arizona Distribution

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