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Rencontre avec Amine Adjina et Clara Bretheau pour “La Petite cuisine de Mehdi”

Actus

Publié le : Mardi 9 décembre 2025

A l’occasion de la sortie du film La Petite cuisine de Mehdi, film soutenu par la Région Sud, Séances Spéciales s’est entretenu avec Amine Adjina, réalisateur du film, et Clara Bretheau, comédienne.


Est-ce que l’histoire de Mehdi s’inspire de faits réels ou bien de situations que vous avez déjà rencontrées ?

Amine Adjina : L’histoire s’inspire à la fois de questions très personnelles et de pure fiction. Étant franco-algérien, j’y projette des interrogations qui me sont propres — le couple, la relation à la mère, l’identité. Mais la famille du film n’est pas la mienne. La fiction me permet de pousser les situations plus loin que le réel, d’inventer, pour mieux me confronter à ces questions. Certaines scènes partent de récits entendus, comme celui d’une circoncision annulée qui a provoqué un malaise dans la famille, mais jamais de faits vécus directement. La fiction crée un décalage, souvent avec humour, qui permet parfois de toucher plus juste que le simple réalisme.

Le nom du restaurant passe du « Baratin » à « Babel » après son rachat, quelle symbolique vouliez-vous donner à ce changement de nom ?

A. A : Le changement de nom, du Baratin à Babel, marque d’abord le fait que le restaurant devient vraiment « leur » lieu. J’ai choisi ces deux noms en hommage à des lieux que je connais. Le Baratin renvoie à un bistrot emblématique de Belleville à Paris où j’ai appris à manger autrement, et j’aimais bien le double sens du mot évidemment. Babel, c’est à la fois une référence à un ami chef qui a porté ce lieu dans la réalité, et une symbolique forte : celle du mélange des langues etc…

Hiam Abbass et Younès Boucif

 

Quels sont les challenges que l’on rencontre quand on fait un premier long-métrage ?

A. A : Les challenges d’un premier long-métrage sont nombreux. Le premier, très concret, c’est l’argent : trouver un financement suffisant et tenir le budget, c’est un vrai parcours. L’écriture est aussi difficile : on passe son temps à réécrire, à intégrer les retours, à ajuster, même si un scénario reste toujours une version de travail.

Ensuite, le tournage lui-même : on arrive sur un plateau avec énormément d’éléments à gérer — des figurants, des contraintes techniques, parfois deux caméras — et il faut comprendre très vite comment tout fonctionne. Ce n’est pas du tout la même souplesse qu’au théâtre : le cinéma est très réglementé, notamment sur le temps de travail.

Enfin, l’un des plus gros challenges, c’est de ne pas se laisser submerger par la pression du temps, et de rester concentré sur ce que l’on veut vraiment raconter : c’est de saisir, alors même que tu as plein d’informations, ce qui est essentiel à la scène, au film et cetera.

Le personnage de Mehdi vit une forme de double appartenance identitaire et culturelle, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

A. A : La double appartenance de Mehdi est quelque chose que beaucoup de personnes vivent. Pour lui, la difficulté, c’est de gérer l’exil de sa mère et le sentiment de perte qu’elle porte — la perte d’un mari, la sensation que ses enfants lui échappent — et de composer avec tout ça tout en construisant son propre chemin. Dans le film, cette double culture entre la France et l’Algérie porte aussi le poids de l’histoire coloniale. Cette histoire traverse la famille et soulève des questions de responsabilité, de culpabilité et de transmission. Montrer cela était très important pour moi. Ce qui m’importait, c’était de montrer que chacun a ses raisons : la mère a raison depuis son vécu, Mehdi a raison depuis le sien. Et tout l’enjeu pour eux, c’est d’essayer de trouver un chemin commun au milieu de tout ça.

Clara, comment décririez-vous l’ambiance de tournage et comment avez-vous abordé la création de votre personnage ?

Clara Bretheau : Ce qui était assez agréable pour moi, c’est que j’avais l’impression qu’il fallait que je joue un peu, mais que ce n’était pas un personnage très éloigné de moi. C’était mon troisième film, et venant du théâtre, je sais que jouer au cinéma, c’est aussi un peu ne pas jouer. Il faut rester très proche de soi, parce qu’aucune vérité ne sortira si on se force à « jouer » le personnage. Au final, on est tous à un centimètre d’un rôle très différent de ce qu’on est. Comme je connaissais Younès du Conservatoire, je savais qu’Amine allait filmer Younès et Clara, et qu’on serait autre, tout en restant très proches de nous. J’avais vraiment l’impression qu’il m’avait « vue », et qu’il fallait que je reste fidèle à ça. C’était aussi mon premier tournage hors de Paris, et ça change tout : être à Lyon, loin de chez nous, nous a vraiment forcés à créer un groupe et à être ensemble, dans le bon sens.

La Petite cuisine de Mehdi sort en salle le 10 décembre.


Crédits photos : Pyramide Films

Entretien réalisé par Sarra Talbi

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