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Rencontre avec Hafsia Herzi et Nadia Melliti pour “La Petite Dernière”

Actus

Publié le : Jeudi 9 octobre 2025

A l’occasion de l’avant-première de La Petite Dernière au Cinéma Les Variétés à Marseille, Séances Spéciales a pu rencontré la réalisatrice Hafsia Herzi et de l’actrice Nadia Melliti. 


Hafsia, comment avez-vous découvert le roman de Fatima Daas ?

Hafsia Herzi : C’était après la sortie de mon premier long métrage Tu mérites un amour. Un producteur a contacté mon agent pour lui transmettre La petite dernière de Fatima Daas. C’était une proposition d’adaptation. Moi, je n’avais jamais adapté quoi que ce soit, je n’y pensais même pas. Ça me paraissait énorme. Mais par curiosité, j’ai lu, et j’ai trouvé ça super, très beau.

Surtout, c’était un personnage que je n’avais jamais vu au cinéma. Ça m’a plu, parce qu’en lisant je me suis dit : « c’est vrai, il n’y a pas de représentation de ce personnage », alors qu’il existe. Donc je me suis dit : pourquoi pas, essayons d’écrire un scénario.

Comment avez-vous travaillé l’adaptation du roman ? Avez-vous modifié des éléments ?

Hafsia Herzi : Je n’ai pas écrit avec elle. Dès le début, j’ai dit que je voulais écrire seule, parce que le scénario c’est un travail différent du roman. J’ai entendu qu’il y avait souvent des conflits entre auteurs et réalisateurs, et je voulais éviter ça.

J’ai gardé l’essence : les personnages, la famille, Fatima. J’ai gardé ce qui m’intéressait le plus et que j’arrivais à visualiser cinématographiquement. Parce qu’il y a le livre, mais après il faut se demander : est-ce que je peux le filmer, et comment je peux le raconter ?

C’est assez proche du roman, mais parfois plus doux. Dans le livre, par exemple, le père est assez violent. Moi, je n’avais pas envie de ça. Et j’avais plus envie de montrer un personnage de mère de caractère, nourricière.

Puis je n’ai aussi pas voulu insister sur la religion. On ne voit jamais la famille prier. Pour moi c’était une famille aimante, avec des traditions, mais pas définie par la religion. Je voulais que la religion fasse partie du décor, comme dans une famille chrétienne ou juive, peu importe. L’idée, c’était que tout le monde puisse s’identifier.

Le film parle d’épanouissement amoureux, de découverte sexuelle, mais aussi de la brutalité des ruptures amoureuses. Ce sont des thèmes que l’on retrouve dans votre travail.

Hafsia Herzi : Oui, je pense que tous mes films ont un lien, se répondent, même inconsciemment. Quand je regarde Tu mérites un amour, Bonne mère et maintenant La petite dernière, je vois des échos. C’est un cinéma qui filme le quotidien, l’amour, les relations.

Il y a beaucoup de scènes de fête dans le film. Comment les avez-vous abordés ?

Hasfia Herzi : Je n’y suis pas allée tout de suite, mais au bout de la troisième ou quatrième version du scénario, j’ai fini par aller en « repérage », dans des clubs lesbiens par exemple. C’était important pour moi de voir ce monde de mes propres yeux, de m’en imprégner.

Hafsia Herzi et Nadia Melliti le 30 septembre à l’avant-première de LA PETITE DERNIÈRE

 

Nadia, c’est votre premier rôle, votre premier film et aussi votre premier prix [le prix d’interprétation féminine à Cannes cette année]. Comment avez-vous trouvé cette gravité, cette intensité dans votre jeu ?

Nadia Melliti : Je ne saurais pas dire précisément. Je pense que ça vient de mon parcours sportif. Dès mon plus jeune âge, j’ai pratiqué le foot avec des garçons. J’ai grandi dans un monde d’hommes. Je ne voulais pas me laisser dominer.  Ça a forgé mon caractère, ma force, ma personnalité.

En tant que sportive, on a aussi un mental dur, beaucoup d’exigence envers soi-même. Sur le plateau, c’était la même chose : je ne voulais pas décevoir. Je me suis rappelée mon enfance : toujours prouver que j’étais à la hauteur. Sur le tournage, j’ai retrouvé ça : être à la hauteur de la confiance qu’on m’accordait.

Et puis il y avait l’accompagnement de la réalisatrice. Quand on n’est pas actrice, on peut se tromper sur certaines choses. Son intelligence émotionnelle m’a guidée.

Hafsia Herzi : Quand j’ai su qu’elle faisait du foot, j’ai trouvé ça super. J’ai vu des vidéos, j’ai trouvé ça très beau. Alors je l’ai intégré dans le film. J’aurais même voulu en mettre plus !

Comment avez-vous abordé les scènes d’intimité ?

Hafsia Herzi : Je ne voulais pas filmer un acte sexuel, ça ne m’intéressait pas. Je voulais de la pudeur. Je préfère filmer un vrai baiser qu’une scène de sexe. Pour moi, c’est plus éthique et plus fort.

J’ai choisi Nadia, puis construit le casting autour d’elle avec des gens bienveillants. Ça a facilité la confiance. On a beaucoup discuté ensemble, on a chorégraphié les scènes. Je leur montrais comment ça pouvait marcher pour la caméra de manière technique, parce que c’est compliqué à filmer. Mais on a pris le temps, on a beaucoup répété.

Vous avez une manière très belle de filmer le désir.

Hafsia Herzi : Ce sont les regards, des cadres spécifiques, des lieux, des lumières qui m’aident à filmer le désir. Pour les scènes de nuit, on a choisi des lumières rouges, orangées, pour apporter de la sensualité. Et puis je disais souvent aux actrices : « regardez-vous, ne dites rien ». Ce sont des micro-gestes, des secondes, qu’il faut capter.

Quelles scènes ont été les plus difficiles à tourner ?

Nadia Melliti : Pas les scènes d’intimité, parce que ce sont des situations qu’on peut tous vivre. Ce qui a été le plus dur, c’est la scène de la fin avec la mère. L’émotion était trop forte, j’ai eu du mal à prendre de la distance. Là, j’ai compris ce que c’était vraiment, être actrice.

La Petite Dernière sort en salles le 22 octobre 2025.


Crédits photos : AdVitam Distribution, Les Écrans du Sud
Entretien réalisé par Lola Antonini

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