Séances Spéciales vous emmène sur les tournages des films produits dans le Sud ! Retour sur notre rencontre avec Julie Bily, productrice du film Animale réalisé par Emma Benestan, qui reviendra avec nous sur la réalisation du projet.
Les membres de l’équipe de tournage s’agitent pour préparer la scène du jour. Devant la caméra, Oulaya Amamra, lauréate du César du meilleur espoir féminin pour le film Divines occupe le rôle principal de Nejma, raseteuse. Elle est accompagnée de Claude Chaballier qui interprète Léonard, mentor de la jeune femme. Manadier de métier, c’est son premier rôle au cinéma, il a été repéré par la directrice de casting marseillaise Cendrine Lapuyade. C’est aussi ça la force du film, un casting casi intégralement constitué d’acteurs amateurs, tous originaires de la région. C’est un choix assumé de la réalisatrice, car c’est en Camargue que tout a commencé, avec les rencontres de Théo et Marie* aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Le lieu de tournage était donc tout trouvé : les manades, et le genre du film aussi : un western fantastique camarguais ! Emma Benastan convoque ici mythologie et souvenirs des fêtes votives de son adolescence.
*Emma Benastan a réalisé deux moyen-métrages Un Monde Sans Bêtes en 2017 et Prends Garde à Toi en 2019, respectivement au sujet de Théo et Marie.
─ Bonjour Julie, pourriez-vous revenir sur votre parcours ?
Julie Billy : Bonjour, je suis la productrice du film Animale avec mon associée Naomi Denamure. Nous avons créé June Films il y a maintenant 3 ans, pour développer des projets de cinéastes que nous suivons depuis plusieurs années. Avant June Films, j’ai produit une dizaine de film au sein de la société Haut et Court dont Gagarine, les films de Jonas Carpignano, La nuit a dévoré le monde un autre film de genre. Nous avons fondé la société de production durant le Covid avec l’envie de créer une structure pour des nouveaux regards. Nous voulions aussi travailler sur le genre, décaler le regard sur le cinéma de genre à travers des cinéastes d’aujourd’hui.
─ En parlant de cinéma de genre, ici il s’agit d’un film d’un western camarguais, genre assez rare dans le cinéma français ces dernières années. Comment s’est passée la rencontre avec Emma Benestan et ce projet ?
J.B : Avec Emma, nous nous sommes rencontrées après ses 2 documentaires camarguais Prends Garde à Toi et Un Monde Sans Bête. Elle n’avait pas encore réalisé son 1er long métrage Fragile qu’elle était en train de préparer à ce moment-là. Elle m’a parlé de son envie de faire un film de genre dans cette arène très naturaliste dans laquelle elle s’était immergée pendant plusieurs mois pour ses documentaires.
C’est un western fantastique sur lequel nous travaillons depuis maintenant 4 ans. Il fait partie de notre ambition : décaler le regard sur le genre tout en racontant le portrait intime d’une femme et en abordant une problématique sociétale qui questionne l’intime et le politique. Tout cela passe à travers le genre, c’est universel et ça parle à un public large.
─ La place du taureau est central, c’est presque un personnage principal. Comment avez-vous travaillé avec cet animal ?
J.B : Le travail avec les taureaux est extrêmement complexe car il n’y a pas de dresseur. On ne peut pas dresser un taureau car c’est un animal sauvage. Nous ne pouvions pas travailler avec des professionnels du cinéma comme nous le faisons habituellement avec les chevaux ou les chiens. Ici nous avons dû nous adapter à ce que la nature nous a offert. Cela vaut pour les animaux mais également pour le territoire. La Camargue est extrêmement sauvage, parfois difficile d’accès avec une météo variable, cela a demandé un énorme travail d’adaptation aux équipes artistique et technique.
Travailler avec les taureaux c’est d’abord protéger les gens sur le plateau car c’est un animal sauvage et costaud. C’est aussi collaborer avec des gens qui le connaissent bien. Nous avons donc travaillé avec beaucoup de manadiers comme Renaud Vinuesa, qui travaille principalement avec des taureaux du spectacles qui font des rasés. En connaissant un peu toute cette infrastructure nous avons commencé à comprendre quels étaient les taureaux meilleurs pour une scène ou une autre. Nous nous sommes adaptés aux taureaux rencontrés.
─ En parlant d’écosystème camarguais comment avez-vous travaillé ce casting presque 100% camarguais ?
J.B. : Nous avons commencé il y a pas mal de temps avec Cendrine Lapuillade, la directrice de casting du film Shérazade dont nous admirions le travail. Elle a une vision très anthropologique de son travail. Elle travaille souvent avec des acteurs non-professionnels, elle va dans les territoires, dans la rue, dans la campagne et elle y rencontre les gens. Nous souhaitions avoir un casting principalement non professionnel autour d’Oulaya Amamra, seule actrice confirmée du film. C’était très important pour Emma d’avoir la véracité de cette langue occitane et provençale et de ces visages qui travaillent tous les jours dans la nature avec les taureaux.
Il s’agissait aussi d’avoir de vrais raseteurs, capables d’entrer dans les arènes avec les taureaux. C’est un travail long de 7-8 mois ponctué par de nombreuses répétitions afin de les préparer à devenir acteurs. Cela a demandé beaucoup d’engagement de la part de notre équipe casting qui s’est installée à Arles et aux Saintes, a rencontré plus de 200 jeunes raseteurs pour nos 4 rôles principaux. Je crois que dans la région et à 100 km autour, tout le monde est au courant du tournage (rire).
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Entretien réalisé par Naomi Camara.
Crédits photos top : Julien Coquentin