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Le festival AFLAM continue d’explorer les cinémas des pays arabes

Entretien avec...
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Publié le : Mardi 22 mars 2022

Après deux ans hors des cinémas, le festival AFLAM fait son grand retour en salles !  En croisant histoires, identités et images d’archives, cette 9e édition interroge les cinémas des pays arabes à travers une programmation d’une quarantaine de films en provenance de sept pays. En plus de la création contemporaine, de nombreux temps forts sont prévus, invitant par exemple à découvrir l’œuvre de Merzak Allouache ou à se replonger dans des images historiques, militantes, produites et diffusées hors des circuits traditionnels. Nous avons rencontré l’équipe du festival pour une visite guidée de cette 9e édition, qui se tiendra à Marseille du 24 mars au 3 avril !

Pour ce retour dans les salles, le festival nous propose cette année un circuit autour de trois lieux ?

Oui, il s’agit pour nous de relancer le festival après deux années sans “éditions traditionnelles”. Nous avons recentré le projet, en nous concentrant sur trois lieux : le Mucem, le Vidéodrome 2 et le Polygone Etoilé. De la même manière, nous avons resserré nos liens avec les pays partenaires pour arriver cette année à sept pays.

En parallèle de la sélection contemporaine présentée au Mucem, vous explorez au Polygone Etoilé et au Videodrome 2 une certaine histoire des cinémas des pays arabes ?

Cette édition est en effet l’occasion de lancer un cycle patrimoine. L’objectif est de revenir sur l’histoire cinématographique des pays du monde arabe, comme l’Algérie ou la Palestine, histoire peu connue puisqu’il s’agit de cinémas peu diffusés. Cette année, on se concentre particulièrement sur le documentaire, dont la circulation a été pendant longtemps clandestine. En effet, peu de documentaires étaient portés nationalement, au mieux ils pouvaient être soutenus par des partis pour défendre des causes militantes. Nous proposons donc de nous pencher sur ces films qui n’ont pas eu de circulation commerciale. Cela nous parait pertinent de montrer cela au Vidéodrome 2 et au Polygone Etoilé, deux salles marseillaises qui ont la volonté de se rapprocher de l’histoire des ciné-clubs, de diffuser du cinéma sorti des circuits, d’ouvrir vers l’expérimental et vers l’éducation populaire par l’image.

Afrique 50 de René Vautier
Pouvez-vous nous présenter les trois axes de ce cycle patrimoine, centré sur le documentaire ?

Le premier est un cinéma militant, celui de cinéastes engagés dans les luttes internationalistes, qui ont voyagé pour aider par exemple l’Algérie, la Palestine, qui ont refusé l’impérialisme et les frontières. Des gens comme René Vautier, Cécile Decugis ou encore Monica Maurer, qui sera là pour l’occasion.

Le deuxième est le cinéma documentaire des pionnières du monde arabe, des femmes qui ont commencé à faire des films dans leur coin, et que nous proposons de redécouvrir aujourd’hui, avec par exemple des films de Sophie Ferchiou – première cinéaste du monde arabe – qui a filmé en Tunisie et a travaillé pour le CNRS avec Jean Rouch.

Enfin, le troisième temps est consacré au cinéma éducateur, produit à destination d’un public scolaire ou dans des ciné-clubs. Un cinéma produit par des français en Algérie, qui sont une illustration des discours que l’on pouvait enseigner sur l’Algérie à cette époque.

Ainsi, ces trois temps nous permettent de poser la question de ce qu’est le cinéma, de l’utilité des images et leur devenir, de leur utilisation pour construire des regards, des discours. Ce sera aussi l’occasion d’explorer des itinéraires de cinéastes, qui prennent des trajectoires différentes selon leurs origines, leurs genres.

En écho à ce travail, vous consacrez un café-ciné à la question de l’image d’archive dont s’empare une nouvelle génération de cinéastes ?

Cela s’est imposé à nous car la création contemporaine arabe a un recours aux archives qui est bien plus massif qu’auparavant. Ce café-ciné sera donc centré sur cet usage pour en discuter à travers des films de la programmation. On pense notamment à Mapping Lessons de Philip Rizk, qui revient sur une histoire des images pour discuter la révolution, à Avant le déclin du jour d’Ali Essafi, sur l’histoire du cinéma marocain pendant les années de plomb ou encore à Sandjak de Chantal Partamian, qui à travers l’archive familiale retrace l’histoire de sa grand-mère et la question des camps au Liban.

Mais ce recours aux archives est encore plus large et traverse toute la programmation, notamment par l’utilisation de l’archive de la sphère familiale. C’est le cas par exemple du Marin des montagnes de Karim Aïnouz, de Fiasco de Nicolas Khoury, d’Our memories belongs to us de Rami Farah & S. B. Sorensen ou encore de Leur Algérie de Lina Soualem. Peut-être que cela est dû au confinement, pendant lequel les cinéastes ont pu revenir à certaines images qu’ils avaient à disposition.

Marin des montagnes de Karim Aïnouz
Cette 9e édition est également l’occasion d’une rétrospective dédiée au cinéaste algérien Merzak Allouache ?

Cette rétrospective nous est venue d’une demande de cinéastes proches du festival : Hassan Ferhani et Nabil Djedouani. Merzak Allouache tourne depuis quarante ans, c’est un des réalisateurs algériens les plus prolixes. Nous présentons son premier film Omar Gatlato, qui tranche avec la production patriotique de l’époque et ouvre la voie d’un nouveau cinéma arabe, et poursuivons avec une sélection recommandée par Hassan et Nabil, qui nous fait traverser la carrière d’Allouache jusqu’à son dernier film documentaire Des Femmes, qui interroge des femmes pendant le Hirak. Hassan et Nabil sont intéressés par la capacité de Merzak Allouache à être en permanence en prise avec ce qu’il se passe au présent dans la société algérienne, son aptitude à prendre en charge les conflits, les urgences, à documenter par le détour de la fiction à travers son personnage récurrent d’Omar Gatlato, l’anti-héros total. Merzak Allouache sera présent pour accompagner cette rétrospective qui se conclura avec un dialogue avec Hassan Ferhani et Nabil Djedouani à la Fabulerie, à partir d’extraits de films et de tournages.

Nous avons là deux jeunes cinéastes qui revendiquent avec fierté le cinéma de leurs ainés et veulent y revenir. Cela participe à la constitution d’un patrimoine, qui reste à constituer à l’heure où le cinéma arabe trouve de plus en plus sa place dans les salles de cinéma et les circuits traditionnels. C’est l’essence même de notre travail.

La production saoudienne, en plein essor, est également présente dans la programmation ?

La production en Arabie Saoudite, et plus largement dans le Golfe, est de plus en plus importante. Cela devient difficile de faire sans. Les films qui nous parviennent sont socialement très critiques. Même si cet espace de liberté est cautionné par le pouvoir, des cinéastes s’en saisissent. Nous avons donc deux moments dans le festival dédié à cette production, à travers deux fictions – Goin South de Mohammed Alhamoud et 40 années et une nuit de Mohammed Alholayyil – qui se placent à la naissance puis au temps du bilan d’histoires intimes. Puis une séance de trois films réalisés par des femmes, qui seront toutes à Marseille pour nous aider à connaitre les dessous de cette industrie saoudienne en mouvement.

Goin South de Mohammed Alhamoud
Plus largement, comment avez-vous construit cette sélection contemporaine ?

Notre sélection s’efforce de montrer la grande diversité des propositions que nous avons reçues. Des films qui sont portés par des écritures originales, qui offrent de vraies propositions esthétiques, dans des régions qui ont aussi du mal à construire leurs industries, comme en Kabylie avec Rêve d’Omar Belkacemi ou au Liban, qui se remet difficilement des derniers événements. C’est aussi la possibilité de découvrir, à côté des cinéastes qui nous sont chers, de nouveaux visages, comme Omar Belkacemi justement ou encore George Peter Barbari, que nos amis au Liban ne connaissaient pas du tout et ont découvert avec nous ! Cette sélection s’enrichit en plus de nombreux courts-métrages, placés en avant-séance afin de faire résonner les films entre eux.

Le festival propose également des rencontres internationales de médiation, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Nous avons voulu recevoir pendant le festival des opérateurs culturels – programmateurs, artistes, médiateurs, musées – avec lesquels nous avons lancé un groupe de travail au moment du confinement, pour garder le contact et ouvrir la discussion sur notre rôle à l’heure où les lieux culturels se fermaient. Nous invitons donc pendant le festival les membres de ce groupe, en provenance de sept pays du monde arabe et d’Europe.

Deux temps forts sont également à signaler. Le premier aura lieu aux Baumettes, avec un atelier de création et projections avec détenus et non-détenus. Le second sera la restitution d’ateliers de création vidéo mené en correspondance entre Marseille et Béjaïa, durant lesquels des jeunes algériens ont envoyé des lettres filmées sur le thème du voyage clandestin à des lycéens marseillais qui vont leur répondre. C’est la partie immergée du festival, qui correspond au travail que nous menons toute l’année, sur lequel nous ouvrons quelques fenêtres pendant cette 9e édition.

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Entretien avec Charlotte Deweerdt et Mathilde Rouxel, réalisé par Sylvain Bianchi.

Crédits photos : Association mas o menos / MPM Film Video-Filmes Watchmen Production / Last SceneFilms

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