Séances Spéciales vous emmène à la rencontre de Borja de Miguel, directeur de production du festival Cinehorizontes qui aura lieu du 7 au 18 octobre 2025 dans toute la région sud.
Cette année, Cinehorizontes met à l’honneur le cinéma espagnol au féminin. Qu’est-ce qui a motivé ce choix de focus, et comment cela se reflète-t-il dans la programmation ?
Borja de Miguel : Les femmes ont historiquement rencontré — et rencontrent encore — des obstacles en tant que professionnelles du 7e art. Elles ont longtemps été méprisées ou reléguées au second plan face aux producteurs et créateurs masculins. Nous avons voulu revendiquer leur talent et leur place, pleinement mérités. Le cinéma espagnol reste un milieu machiste, bien sûr, mais ce n’est pas un cas isolé : est-ce que le cinéma français ou d’ailleurs ne le sont pas aussi ?
En revanche, ce qui nous semble remarquable en Espagne, c’est l’effervescence du cinéma réalisé par des femmes depuis quelques années. Elle est bien plus marquée que dans d’autres pays européens. Les nouvelles générations émergent rapidement. Avant les années 2000, on pouvait citer quelques noms au compte-gouttes — Pilar Miró, Isabel Coixet, Icíar Bollaín, Chus Gutiérrez ou Gracia Querejeta. Puis, avec le nouveau millénaire, une véritable vague est arrivée, encore plus forte ces dix dernières années. On pense à Elena Trapé, Mar Coll, Belén Funes, Arantxa Echevarría, mais aussi Eva Libertad, Gemma Blasco, Carla Simón, Pilar Palomero, Clara Roquet… Ces réalisatrices sont aujourd’hui reconnues dans les grands festivals internationaux comme Berlin, Cannes, Venise ou San Sebastián. Leurs films ne sont plus simplement des récits « sur » les femmes ou « pour » les femmes, mais des récits portés par un regard féminin. Et c’est précisément ce que nous souhaitions mettre à l’honneur.
Notre focus « cinéma espagnol au féminin » commence avec le choix de notre Marraine 2025 : Icíar Bollaín, une réalisatrice qui, dès ses débuts, a placé les femmes au centre de ses films. Elle animera une masterclass le dimanche 12 octobre au cinéma Les Variétés de Marseille, et nous projetterons six de ses films. Ce focus comprend également une table ronde sur l’expérience de faire du cinéma en tant que femme, avec les regards croisés de deux réalisatrices (Eva Libertad et Charlène Favier, présidente du jury cette année), d’une productrice (María Caballer) et d’une scénariste-réalisatrice (Marcia Romano). Nous proposerons aussi une journée pédagogique, une conférence de la bédéiste féministe María Hesse à la Bibliothèque de l’Alcazar, ainsi que la projection de 17 films réalisés par des femmes et porteurs d’un regard féminin.
Comment sélectionnez-vous les films projetés pendant le festival ? Qu’est-ce qui guide vos choix pour construire la programmation ?
B.M : Nous nous appuyons sur un comité de sélection composé de 7 personnes pour la compétition fictions, et de 5 pour la compétition documentaires. La qualité cinématographique reste un critère essentiel dans nos choix, mais nous veillons aussi à proposer une diversité de genres pour toucher un public le plus large possible. Certains films que nous estimons de grande valeur, mais qui n’ont pas trouvé leur place en compétition, sont programmés dans la section Panorama.
Nous proposons également deux volets spécifiques : la Fenêtre Argentine et la Fenêtre Cubaine. À travers eux, nous essayons de capter le pouls actuel des sociétés de ces deux pays. Lorsque c’est possible, nous leur donnons une tonalité plus festive, parfois accompagnée de spectacles. Cette année, toutefois, nous avons dû en réduire l’ampleur en raison du contexte général de coupes budgétaires dans le secteur culturel.
Et tout cela sans oublier la compétition Belle Jeunesse, dédiée à des films pensés spécialement pour les jeunes publics. Deux prix y sont décernés par des jurys étudiants : ceux de Sciences Po Aix et de la Cité Scolaire Internationale Jacques Chirac. Enfin, la compétition courts-métrages est entièrement entre les mains des élèves du Lycée Thiers, qui en assurent la sélection et attribuent le prix.

ROMERÍA de Carla Simón, en compétition
Le festival ne se limite pas à Marseille, il rayonne dans toute la région. Pouvez-vous nous parler de cette volonté de décentralisation et d’ouverture au territoire ?
B.M : Presque depuis ses débuts, CineHorizontes a voulu être présent pas seulement à Marseille, mais dans toute la Région Sud. Après 24 ans de festival, nous comptons sur la fidélité de salles essentielles comme l’Eden à La Ciotat, Les Méliès à Port-de-Bouc, Le Pagnol à Aubagne et, plus récemment, Le Cigalon à Cucuron, les Variétés à Nice, Le Vox à Avignon… jusqu’à 12 ou 15 salles chaque année.
Cette année, nous sommes très contents de commencer une nouvelle collaboration avec le festival Panorama, qui regroupe 5 salles dans les alentours de l’Étang de Berre et qui, cette année, est dédié au cinéma espagnol. Nous allons co-programmer 5 films et faire arriver l’une de nos invitées, Eva Libertad, pour rencontrer leur public. Nous espérons que cette collaboration se maintiendra dans la durée à partir d’aujourd’hui.
Et dès maintenant, nous invitons toutes les salles de la Région à nous contacter pour faire partie de notre programmation Hors les murs dès 2026, parce que la Région Sud est beaucoup plus que Marseille, avec énormément de lieux culturels et de publics cinéphiles que notre festival, à vocation au moins régionale, a hâte de rencontrer.
Y a-t-il des temps forts que vous recommanderiez particulièrement au public de ne pas manquer ?
B.M : Beaucoup des temps forts de cette année sont liés au focus Cinéma espagnol au féminin dont nous avons parlé. Nous avons mentionné la masterclass d’Icíar Bollaín, la double venue de María Hesse et la présence d’Eva Libertad, mais n’oublions pas non plus d’autres invités comme José Luis Guerin, qui vient de recevoir le Prix du Jury au Festival de San Sebastián, ou José Mari Goenaga, scénariste du film Marco, l’énigme d’une vie, récemment sorti en France, et qui est présent en tant que réalisateur de Maspalomas, en compétition fictions.
Et, bien sûr, les soirées : une fête psychédélique à La Baleine autour du film Rock Bottom, avec concert et soirée DJ le 15 octobre (la fête se reproduira le 17 octobre au cinéma Les Méliès de Port-de-Bouc), et spectacle de bal sévillan avec le Centre Soleà autour du documentaire La guitarra flamenca de Yerai Cortés, le 15 octobre au cinéma Les Variétés de Marseille.
Nous vous invitons à consulter l’ensemble de notre programme sur notre site internet, car il y a encore énormément de propositions à ne pas rater.
Crédits photos : Jour2Fête, Condor Distribution
Entretien réalisé par Lola Antonini