Séances Spéciales vous emmène à la rencontre du cinéaste Claude Barras, à l’occasion de sa venue au cinéma La Cascade à Martigues. Il a présenté son nouveau film d’animation “Sauvages”, en salles le 16 octobre.
Le film est a retrouvé tout au long du festival Cinémanimé, jusqu’au 12 novembre.
À Bornéo, à la lisière de la grande forêt tropicale, Kéria recueille un bébé orang-outan trouvé dans la plantation de palmiers à huile où travaille son père. Au même moment Selaï, son jeune cousin, vient trouver refuge chez eux pour échapper au conflit qui oppose sa famille nomade aux compagnies forestières. Ensemble, Kéria, Selaï et le bébé singe vont lutter contre la destruction de la forêt ancestrale, plus que jamais menacée. Mais pour Kéria, ce combat sera aussi l’occasion de découvrir la vérité sur ses origines.
Après le succès de « Ma vie de courgette », vous revenez avec un long-métrage d’animation qui traite de la déforestation sur l’Ile de Bornéo. Pourriez-vous revenir sur l’origine du projet, qu’est qui vous a donné envie de raconter cette histoire ?
Claude Barras : J’ai des origines paysannes. Tous mes grands-parents étaient paysans et mes parents agriculteurs. Je voyais bien que certains animaux disparaissaient à certains endroits.
Et puis je rêvais d’aller dans les forêts tropicales, et un peu comme Kéria, je rêvais d’être biologiste. Je pense que c’est un peu l’origine du projet.
Il y a aussi l’histoire des deux penons que je connaissais à travers l’activiste suisse Bruno Manser. Il a vécu là-bas et a vu arriver la première déforestation. De retour en Europe, il a lancé des campagnes de sensibilisation pour nous dire de faire attention à quel bois acheter. Maintenant c’est l’huile de palme. Voici ce qui a nourri le film.
Vous avez visité l’Ile de Bornéo en 2018, cela faisait partie de l’écriture du scénario ?
C.B : En 2017, alors que je présentais “Ma vie de courgette”, j’ai lu un article sur la disparition programmée des orangs-outangs. Cela m’a vraiment choqué, c’est là que je me suis intéressé aux Penans. Bruno Manser a disparu dans les années 2000, sa tête était mise à prix. Le chef du village de Sailyvia* a été retrouvé noyé. Ce sont pleins d’éléments réels qui ont nourri la construction du film. C’est via la fondation de Bruno que j’ai effectué le voyage et rencontré des Penans.
*Sailyvia prête sa voix à la mère de Selaï dans “Sauvages”.
C’est lors de votre voyage que vous avez rencontré Sailyvia ?
C.B : Au retour de ce voyage, la Fondation m’a mis en relation avec Nelly, sa mère. Elle a une histoire inverse de celle de Bruno Manser : elle était dans la forêt, à 30 ans elle a rencontré un Français là-bas donc elle est venue en France. Sailyvia agée de 4 ans est d’abord restée vivre dans la forêt avec le reste de sa famille avant de rejoindre sa mère en France à l’âge de 6 ans. J’ai donc été mis en contact avec elles, car elles parlent penan et français. Pour accompagner l’écriture du scénario, notamment sur les traditions, c’était très précieux.
Vous les avez intégré au casting des voix.
C.B : Oui Sailyvia parle bien le penan et le français. Nelly a encore un accent prononcé en français donc cela fonctionnait très bien pour leurs personnages.
Sailyvia a également coaché les autres voix, pouvez vous nous parler du choix des acteurs.
C.B : Pour les enfants, nous avons fait un casting assez large. J’enregistre les voix sur le scénario avant de fabriquer le film, je fais jouer les acteurs ensemble. Nous avons organisé une journée de lecture de scénario pour les enfants, les voix de Babette et Martin ont bien marché.
Pour les adultes, Benoit Poelvoorde est l’un des meilleurs amis de mon producteur, c’est lui qui me l’a proposé. Même si c’est un acteur comique, je l’avais déjà vu dans des films dramatiques et je trouvais qu’il avait beaucoup d’émotion. Le contremaître est interprété par Michel Vuillermoz, déjà présent dans mon précédent film. Enfin, Laeticia Dosch est une actrice que j’aime beaucoup et que je connaissais un peu. Je la savais très sensible à la cause animale, naturellement, elle allait très bien pour ce rôle.
Vous enregistrez donc les voix d’abord. Par ailleurs, comment se déroule technique la fabrication du film ?
C.B : Pour l’animation nous enregistrons 4 secondes par jour et par animateur. Nous avons 10 animateurs qui travaillent en parallèle pour produire 40 secondes par jour. Chaque unité de tournage est un espace-temps différent que nous assemblons à la fin, c’est ce qui est très technique et particulier. Le chef animateur donne des règles pour rendre l’ensemble homogène afin que les changements d’animateurs ne se remarquent pas.
Il y a un animateur qui a un œil qui louche vers l’extérieur, ses personnages ont parfois son regard. Quand on le sait, c’est plutôt drôle mais pas du tout gênant. Il y a des animateurs très meilleurs en scène de groupe, d’autres en scène d’action.
Considérez-vous “Sauvages” comme un film politique ?
C.B : Je considère qu’un artiste qui dit que l’art n’est pas politique est à côté de la plaque. Raconter des histoires, même si c’est du divertissement est une façon de faire de la politique.
J’ai vraiment des choses qui me semblent importantes à transmettre aux enfants. J’ai essayé que le film dévoile en arrière-plan très documenté. C’est pour cela que nous avons une campagne d’impact qui suit le film avec Foodwatch et Greenpeace, Kalaweit Le Fond Bruno Manser.
Crédit photo : Haut et Court
Entretien réalisé par Naomi Camara