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Retour sur Shéhérazade – Avec Jean-Bernard Marlin, réalisateur (1/2)

Entretien avec...
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Publié le : Mercredi 19 juin 2019

Shéhérazade, l’histoire marseillaise d’un amour entre Zachary, 17 ans, qui sort de prison et Shéhérazade, une jeune fille qui se prostitue pour vivre, est un des films marquants de l’année dernière.

Sélectionné à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2018, le film a été triplement récompensé aux Césars (Césars du meilleur premier film, du meilleur espoir féminin et du meilleur espoir masculin). A Marseille, où l’histoire prend place, le film est resté à l’affiche pendant 30 semaines au cinéma La Baleine !
A l’occasion de la dernière séance marseillaise du film (Jeudi 20 juin au cinéma Le Gyptis), nous publions un double entretien sur ce film (la seconde partie est ici). Pour ce premier volet, c’est son réalisateur, Jean-Bernard Marlin, qui a répondu à nos questions.
Jean-Bernard Marlin et Idir Azougli, Crédits photos : Cinémas du sud & tilt
Crédits photo : Ad Vitam
Crédits photos : Getty - François Durand
─  Quel a été votre premier choc cinématographique ?

Les films marquants de ma jeunesse sont West Side Story, les films de Sergio Leone, de Brian De Palma, que j’ai découverts à la télévision. Puis, à 16 ans, un atelier cinéma dans une MJC m’a fait découvrir le cinéma d’auteur : Ken Loach, David Lynch, Jim Jarmusch… Des films nouveaux pour moi. J’ai appris là-bas qu’il existait des écoles publiques de cinéma comme l’école Louis Lumière, la Femis. J’ai donc passé le concours d’entrée à Louis Lumière une fois mon bac obtenu.

─ En quoi le cinéma vous semble être un medium idéal pour raconter des histoires ?

Le cinéma ressemble un peu à des jeux d’enfants. La mise en scène m’évoque un enfant qui créé un monde à soi à 5 ans, avec des bonhommes. C’est également un art qui demande d’être polyvalent. Il faut savoir faire énormément de choses différentes. En France particulièrement, il faut savoir écrire. Je me suis formé à l’écriture en autodidacte, par des lectures, puis j’ai fait un atelier scénario de la Femis.

─ Vous avez ensuite réalisé le court-métrage La Fugue (2012), puis Shéhérazade (2018). Quels liens faites-vous entre ces films ?

Je sais qu’il y a de nombreux liens, en premier lieu la délinquance des mineurs, mais j’ai du mal à associer les deux. Shéhérazade parle pour moi complètement d’autre chose.

─ L’histoire de Shéhérazade est inspirée d’un fait divers ? Cela a influé sur l’écriture ?

C’est le point de départ à partir duquel j’ai inventé mon histoire, pour laquelle je me suis ensuite éloigné du fait divers.

Shéhérazade est le nom de votre personnage principale et du titre du film, pourquoi ce choix ?

Je voulais que mon film soit féminin. C’est Shéhérazade qui change mon personnage principal, Zachary. Shéhérazade pour moi c’est Marseille, c’est comme si j’avais appelé mon film Marseille.

─ Après avoir quitté Marseille où vous avez grandi, pourquoi revenir pour y filmer (La Fugue et Shéhérazade sont tournés à Marseille) ?

Je suis revenu parce que j’ai un lien affectif fort avec Marseille. Je trouve cette ville très cinématographique par rapport à la lumière, aux décors, aux gens. Il y a une atmosphère qui me plait beaucoup.

─ Être marseillais a influencé votre manière de filmer cette ville ?

Je viens du 13e arrondissement de Marseille entre les Olives et la Rose. Je connais beaucoup de lieux et je sais donc ce que je veux filmer. Je peux aller vers des lieux précis, vers les vrais endroits où trainent les personnages principaux. Cela me permet d’éviter les « cartes postales » et de suivre au plus près la logique de mes personnages.

─  Quel regard portez-vous sur Marseille actuellement ?

Je suis partagé sur Marseille. Il y a une volonté de la moderniser par la destruction du vieux Marseille, à rendre le centre plus bourgeois, à changer l’esprit marseillais. Pour le moment cela ne marche pas trop. Et c’est tant mieux. La mixité sociale est importante et doit être préservée. Il ne faut pas créer de ghettos. Marseille est une ville rebelle, qui ne fait pas comme tout le reste de la France, parfois par rébellion, parfois par bêtise. Cette atmosphère doit être préservée.

─ Votre film semble très réaliste, bien que l’histoire se déroule dans un milieu très marginal. Comment vous êtes-vous documenté pour écrire cette histoire ?

L’écriture a duré 2 ans et demi, de manière morcelée. Pour le travail de recherche, je suis allé parler aux prostituées et les ai regardées pendant 6 mois. Je savais ensuite à qui m’adresser si j’avais des questions pour peaufiner mon histoire. Elles m’ont parlé de leur vie, de leurs petits copains, j’ai noué des liens d’amitié avec certaines.

─ Pour le choix de vos acteurs, vous avez eu recours au casting sauvage. Pourquoi ?

J’en avais déjà fait moi-même pour La Fugue. Voilà un lien supplémentaire entre les deux films. Je veux croire en la vérité des corps, des gestes, des langages, des mouvements. Je voulais des acteurs du Sud. J’ai une vraie exigence d’authenticité.

─ Quand on voit des milliers de jeunes, comment procède-t-on au choix final ?

C’est long. Ils passent des essais, des castings. Certains se démarquent, pour différentes raisons. Idir par exemple pour son jeu. Dylan (Dylan Robert, acteur principal de Shéhérazade) par des coïncidences entre lui et le rôle, bien que Dylan ne soit pas Zachary, ils ne se ressemblent pas du tout. Ce sont tous des comédiens de la rue. Ce n’est pas pour le langage, mais pour les gestes, pour ce qu’on lit sur leurs visages, leurs corps, cela raconte déjà une histoire.

─ Dans votre film, vous mettez en scène un rapport conflictuel avec les institutions étatiques. Comment avez-vous construit cet aspect de votre histoire ?

Je n’intellectualise pas les rapports entre les jeunes et les institutions. Je réfléchis en termes dramatiques. Je ne pense pas à dénoncer quelque chose, mais à être authentique ou juste par rapport à la situation. Ensuite, cela raconte ce que cela doit raconter pour chaque spectateur.

─ La réception du film a été très bonne, surtout à Marseille, et le film a été largement récompensé (Prix Jean Vigo du long-métrage, Meilleur film du Festival d’Angoulême, Césars du meilleur premier film, du meilleur espoir féminin et du meilleur espoir masculin). Quelle a été votre réaction face à cet accueil ?

Quand je fais un film, c’est pour faire un putain de film ! Cela ne m’empêche pas d’être surpris bien sûr. Je ne m’y attendais pas, surtout aux Césars. Mais je fais tout pour que mon film soit bon et bien.

─ La salle est-elle pour vous un lieu privilégié pour la réception des films ?

Pour moi, rentrer dans une salle, c’est comme rentrer dans une église. C’est un moment solennel. La perception d’un film est différente en salle. Les films sont travaillés pour la salle, le rendu n’est pas le même sur un petit écran.

─ Quels ont été vos premier et dernier souvenirs marquants en salle ?

Pour mon premier souvenir, je me rappelle d’un film avec des hippocampes. Mais je ne me souviens plus du titre. Quant à ma dernière claque, il s’agit de First Reformed de Paul Schrader. Je l’ai découvert en vidéo parce qu’il n’a malheureusement pas eu de sortie en salles. Ce film est une vraie bombe.

Crédits photo : AFP - Bertrand GUAY
Crédits photo : Geko Films

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Pour découvrir la seconde partie avec Idir Azougli, c’est ici !

Entretien réalisé par Sylvain Bianchi, à l’occasion d’une rencontre organisée pour les 20 ans de Lycéens et Apprentis au Cinéma.

Image top : Shéhérazade ; Crédits photos : Ad Vitam

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