Shéhérazade, l’histoire marseillaise d’un amour entre Zachary, 17 ans, qui sort de prison et Shéhérazade, une jeune fille qui se prostitue pour vivre, est un des films marquants de l’année dernière.
Sélectionné à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2018, le film a été triplement récompensé aux Césars (Césars du meilleur premier film, du meilleur espoir féminin et du meilleur espoir masculin). A Marseille, où l’histoire prend place, le film est resté à l’affiche pendant 30 semaines au cinéma La Baleine !
A l’occasion de la dernière séance marseillaise du film (Jeudi 20 juin au cinéma Le Gyptis), nous publions un double entretien sur ce film (la première partie est ici). Pour ce second volet, c’est Idir Azougli, qui interprète le personnage de Riyad, qui a répondu à nos questions.
────
Pour découvrir la première partie avec Jean-Bernard Marlin, c’est ici !
Entretien réalisé par Sylvain Bianchi, à l’occasion d’une rencontre organisée pour les 20 ans de Lycéens et Apprentis au Cinéma.
Image top : Shéhérazade ; Crédits photos : Ad Vitam
─ Quel est ton premier souvenir de cinéma ?
Hatchi, un film dont le personnage principal est un chien. A l’origine, le film vient du Japon mais a été refait avec des acteurs américains. L’histoire m’a beaucoup marqué. C’est un mec qui prend tous les jours le train pour aller travailler et son chien l’accompagne chaque matin à la gare. Sauf qu’un jour le mec meurt au travail et son chien reste à la gare à l’attendre. Pendant 20 ans, il attend son maître jusqu’à mourir lui aussi. Le film est tiré d’une histoire vraie, le personnel de la gare a même érigé une statue en l’honneur de ce chien. J’ai découvert ce film par hasard et l’histoire m’a foutu les frissons, voir un animal transmettre des émotions, c’était un choc.
─ Et ensuite, le cinéma a été quelque chose d’important pour toi ?
Au départ, je ne suis pas du tout cinéma. Je n’ai même pas vu Titanic, ni la plupart des films connus. Mon truc, c’est la musique, j’ai toujours voulu être musicien, j’ai une capacité à retenir les sons. Mon idole c’est Maitre Gims, il a changé le rap en France, j’aime ce qu’il a apporté. Pour revenir au cinéma, aujourd’hui, je regarde beaucoup plus de films, en suivant le parcours des acteurs. J’adore Val Kilmer par exemple !
─ Shéhérazade c’est ton premier tournage ? Comment as-tu rejoint le casting ?
J’étais à Belsunce (quartier du centre-ville de Marseille), j’attendais le tram. J’ai vu deux femmes avec des sacs à dos arriver sur moi symétriquement. Je me suis demandé ce qu’elles me voulaient, elles m’ont expliqué qu’elles m’avaient repéré et m’ont fait passer un casting. J’ai ensuite enchainé les répétitions avec Cendrine Lapuyade, puis je n’ai plus eu de nouvelles. Je pensais que c’était terminé, je suis donc passé à autre chose. Mais j’ai été rappelé pour un autre casting avec le réalisateur. Puis nous avons fait des répétitions qui étaient rémunérées, ce qui m’arrangeait. Pendant tout l’été, j’ai fait des répétitions, je n’ai pas vu la mer. On était tous blancs à la fin de l’été !
J’étais d’abord pressenti pour le rôle principal, j’avais fait des répétitions avec plein de filles. Mais Dylan (Dylan Robert) a été choisi, il collait mieux avec Kenza (Kenza Fortas), alors que moi cela marchait moins, la différence d’âge me bloquait un peu. Cela a donc créé Riyad, mon rôle dans le film.
─ Comment as-tu préparé le rôle ?
Au départ, je n’ai rien préparé. Puis, au troisième jour de tournage, j’ai compris une chose, il fallait suivre uniquement les directives du réalisateur. C’est son film, donc j’ai arrêté d’écouter les directives qui venaient d’autres personnes de l’équipe. On avait notre texte, il fallait l’apprendre et écouter le réalisateur.
─ Quel regard portes-tu sur le film aujourd’hui ?
Je suis fier de porter le film. C’est un sujet qui existe à Marseille mais personne n’en parle. Pourtant ça existe et ça se passe comme ça.
─ Tu te vois continuer dans le cinéma ?
Bien sûr ! J’ai tourné dans un court-métrage (Trace ta route, de Romuald Rodrigues Andrade). Si ça continue à marcher, ça me va. J’aime bien faire plaisir aux gens. Mais sinon je reprendrai ma vie normale. J’ai fait 13 mois aux Baumettes (centre pénitentiaire de Marseille), cela m’a fait me rendre compte qu’il fallait que je m’occupe de moi, que personne ne va vivre ma vie à ma place. Être acteur, c’est pour moi une vie normale. Quelques personnes me reconnaissent dans la rue mais cela ne change rien. Je suis reconnaissant mais je n’attends rien. Je n’oublie pas d’où je viens.